Sept semaines après avoir évité de justesse le déclenchement d'une campagne électorale sur la question sensible d'une réforme de l'assurance emploi, libéraux et conservateurs peinent toujours à s'entendre sur des solutions communes.

À l'issue de la deuxième rencontre du comité bipartite libéral-conservateur sur la question, les deux camps estiment que les discussions «progressent», mais les obstacles demeurent nombreux.

 

«Nous sommes en train de discuter. Ça a été dur de leur faire faire leurs devoirs. On a dû pousser fort», a souligné Marlene Jennings, députée libérale de Notre-Dame-de-Grâce-Lachine, qui représente, avec son collègue Mike Savage, les troupes de Michael Ignatieff au sein du comité conjoint.

«On espère que les conservateurs mettront de l'eau dans leur vin. Tant que les discussions continuent, il y a de l'espoir», a-t-elle ajouté.

La réunion d'hier a surtout permis au Parti libéral de clarifier ses propositions, a expliqué Mme Jennings, accusant à demi-mot les conservateurs d'avoir mené une campagne de désinformation en gonflant les coûts associés aux idées libérales.

«C'est un jeu que les conservateurs font continuellement. Ils inventent des choses et disent que c'est ce que les autres proposent. Mais c'est une pure invention. C'est de la foutaise», a lancé la députée libérale.

La réforme de l'assurance emploi promet d'être le dossier chaud de l'automne, et pourrait être l'enjeu décisif qui plongera le Canada en élections générales.

En juin dernier, M. Ignatieff avait menacé de retirer sa confiance au gouvernement si une réforme de l'assurance emploi n'était pas entreprise. Le déclenchement d'une campagne électorale avait été évité in extremis quand le chef libéral s'était entendu avec le premier ministre Stephen Harper pour créer ce comité bipartite.

Les libéraux réclament des normes nationales d'admissibilité plutôt que par région économique, comme c'est le cas actuellement. Pour Michael Ignatieff, il s'agit d'une question d'équité. Son parti propose d'abaisser de 420 à 360 le nombre d'heures de travail nécessaire pour être admissible aux prestations, sans pour autant augmenter le temps de couverture.

»On travaille ensemble»

La semaine dernière, la ministre des Ressources humaines et du développement des compétences, Diane Finley, aussi membre du comité, avait qualifié de «fantaisistes» les demandes libérales, estimant que la facture serait trop élevée pour la capacité de payer des contribuables canadiens. Hier, elle s'est montrée plus conciliante, affirmant vouloir trouver «un terrain d'entente». «On travaille ensemble. On ne s'entend pas toujours sur les politiques, mais on partage des idées et on essaie d'en trouver de nouvelles», a dit la ministre Finley.

Or, les trois partis de l'opposition à Ottawa s'entendent sur plusieurs changements au système. Le seuil de 360 heures et l'abolition du délai de carence ont fait l'objet de projets de loi présentés par le NPD et par le Bloc québécois. L'opposition, majoritaire, a aussi fait adopter une motion à la Chambre des communes réclamant une réforme en profondeur de l'assurance emploi.

«Les besoins, on les connaît et les mesures à prendre aussi», a estimé hier le porte-parole du Bloc québécois en matière de ressources humaines et de développement social, Yves Lessard, qui qualifie de «trompe-l'oeil» la mise sur pied du comité bipartite sur l'assurance emploi.

«Ils gagnent du temps sur le dos des travailleurs. Il fallait agir il y a longtemps. Pendant ce temps-là, la crise continue», s'est insurgé M. Lessard.

Le Bloc québécois est particulièrement critique à l'égard de M. Ignatieff. «C'est au printemps qu'il aurait dû mettre son pied à terre, a souligné le député bloquiste. Les libéraux manquent à leurs responsabilités envers la population.»

Libéraux et conservateurs se rencontreront à nouveau les 13 et 20 août. Le comité bipartite doit remettre son rapport en chambre le 28 septembre. Le Parti libéral dispose d'une journée de l'opposition la même semaine. Les troupes de Michael Ignatieff pourraient présenter une motion de défiance et tenter de faire tomber le gouvernement s'ils sont insatisfaits des mesures conservatrices pour venir en aide aux travailleurs.

 

LES CRITÈRES ET LIMITES DU RÉGIME

Entre 420 et 700 heures

Nombre d'heures de travail nécessaires pour avoir droit à l'assurance emploi. Il varie selon le taux de chômage dans la région.

2 semaines

«Délai de carence» pendant lequel le chômeur ne reçoit rien

50 semaines

Période maximale pendant laquelle on peut recevoir des prestations

83%

Proportion des chômeurs qui avaient droit à l'assurance emploi en 1989

50,3%

Proportion des chômeurs qui y ont accès en 2009

Sources : Statistique Canada, RHDCC, CSN