Les nouvelles règles d'étiquetage adoptées par le gouvernement fédéral sont trop sévères et donnent lieu à des situations loufoques. Le vin de glace de l'Ontario n'est plus considéré comme un produit du Canada. La confiture de bleuets du Lac-Saint-Jean non plus, ni les cornichons québécois Whyte's.

Le ministre du Revenu Jean-Pierre Blackburn, qui est aussi ministre d'État à l'Agriculture et à l'Agroalimentaire, affirme avoir entendu les doléances de l'industrie agroalimentaire. Et il entend faire pression sur son collègue Gerry Ritz, ministre de l'Agriculture, et les autres membres du cabinet pour qu'on corrige le tir.

 

Les nouvelles règles d'étiquetage, qui sont entrées en vigueur le 1er janvier, stipulent que seuls les produits contenant au maximum 2% d'ingrédients importés peuvent utiliser la mention «Produit du Canada» sur leur emballage. Les autres produits peuvent porter l'étiquette «Fabriqué au Canada» si la dernière transformation substantielle a eu lieu au pays.

Auparavant, les entreprises devaient s'assurer que 51% des coûts directs de production ou de fabrication étaient enregistrés au pays et que la dernière transformation substantielle du produit était faite au Canada pour avoir droit d'apposer la mention «Produit du Canada» sur les étiquetages.

Or, les nouvelles règles ont été jugées trop contraignantes par la grande majorité des agriculteurs et des transformateurs puisqu'il suffit parfois d'un ajout de sel ou de sucre, comme c'est le cas pour le vin de glace, pour lui faire perdre le titre convoité de produit du Canada.

Dans une entrevue accordée à La Presse hier, le ministre Blackburn a indiqué avoir déjà abordé cette épineuse question avec le ministre Ritz. Et il compte lui envoyer sous peu une lettre expliquant les nombreux cas saugrenus qu'il a entendus à l'occasion d'une rencontre au sommet tenue à Ottawa le 15 juin avec une trentaine de représentants de l'industrie de la transformation des aliments.

Seuil à 85%

Selon le ministre Blackburn, l'une des solutions envisageables serait de ramener à 85% le pourcentage requis d'ingrédients canadiens utilisés dans un produit pour qu'il puisse décrocher le titre de produit du Canada. Ce seuil fait d'ailleurs consensus au sein de l'industrie.

«Les nouvelles règles d'étiquetage des produits créent des difficultés pour l'industrie. Le vin de glace, un produit typiquement canadien, ne peut plus être considéré comme un produit du Canada parce qu'on y ajoute du sucre pour la fermentation. Les cornichons sont produits avec des concombres du Québec, mais dès qu'on les met en marinade, ce ne sont plus des produits d'ici. J'ai eu des exemples comme cela à profusion au sommet de juin», a expliqué M. Blackburn.

Le ministre a indiqué que le gouvernement fédéral doit à la fois protéger les consommateurs et tenir compte des préoccupations de l'industrie agroalimentaire en matière d'étiquetage.

«C'est la marque de commerce des fabricants d'avoir un produit du Canada. Tout cela ne restera pas lettre morte. Le seuil de 85% a été évoqué comme un compromis. Cela permettrait quand même aux consommateurs de savoir quels produits viennent du Canada et en même temps de s'assurer que les produits du Canada sont effectivement produits ici», a ajouté le ministre.

«Avec ce que j'ai entendu, on ne peut pas demeurer insensible à ce que l'industrie nous demande. Il faut examiner comment on peut répondre à ses attentes et à celles des consommateurs» a-t-il encore dit. En entrevue, M. Blackburn a tenu à souligner l'importance de cette industrie au Canada. Ce secteur génère des activités économiques de l'ordre de 87,2 milliards de dollars par année, procure de l'emploi à 296 000 travailleurs, et représente 2% du produit intérieur brut du pays. «C'est le deuxième secteur en importance au pays après le secteur manufacturier. Compte tenu de ces chiffres, il faut s'occuper de cette industrie et l'écouter», a affirmé M. Blackburn.

Le ministre compte d'ailleurs organiser un sommet annuel avec les représentants de l'industrie afin d'être mis au parfum des défis auxquels ils sont confrontés.