Des documents émanant du bureau du Conseil privé contredisent la version du gouvernement Harper dans le dossier de l'harmonisation de la taxe de vente du Québec avec la TPS.

Depuis quelques mois, le gouvernement Harper refuse de verser une compensation financière de 2,6 milliards de dollars au Québec pour avoir harmonisé sa taxe de vente provinciale à la TPS dans les années 90, prétextant que les deux taxes ne sont pas entièrement harmonisées.

Or, le bureau du Conseil privé soutient au contraire que le Québec fait partie d'un groupe de quatre provinces qui ont accepté d'harmoniser leur taxe de vente provinciale avec la TPS, révèlent des documents datés (photo) d'octobre 2008 obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Les autres provinces sont le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve, à qui le gouvernement fédéral a déjà versé une compensation financière de plus d'un milliard de dollars dans le milieu des années 90 pour avoir accepté une offre d'Ottawa d'harmoniser les taxes de vente.

Les documents en question font partie des notes de réunion préparés par les fonctionnaires du bureau du Conseil privé à l'intention de la ministre des Affaires intergouvernementales Josée Verner à la suite des élections d'octobre 2008, soit bien avant qu'Ottawa ne s'entende avec le gouvernement de l'Ontario.

Ces documents viennent donc contredire les affirmations du ministre des Finances Jim Flaherty, qui a soutenu au cours des derniers mois que le Québec n'a pas droit à une compensation financière au même titre que l'Ontario parce que sa taxe de vente n'est pas complètement harmonisée avec la TPS.

«Bien que le Canada ait réussi à faire des progrès dans l'harmonisation des taxes en vertu d'accords sur la perception des taxes dans les domaines des impôts pour les particuliers et les entreprises, il y a d'autres secteurs où une plus grande harmonisation serait avantageuse», peut-on lire dans les documents.

«Des taxes à la valeur ajoutée harmonisées ont été mises en oeuvre dans quatre provinces (dont le Québec), mais les taxes au détail continuent d'être perçues séparément dans cinq provinces (Ontario, Colombie-Britannique, Manitoba, Saskatchewan et Île-du-Prince-Édouard), augmentant ainsi les coûts d'administration à la fois pour les gouvernements et les entreprises», ajoute-t-on.

 

Ce dossier est redevenu un sujet d'actualité ce printemps après que le gouvernement Harper eut accepté de verser la somme de 4,3 milliards de dollars au gouvernement de l'Ontario au cours des deux prochaines années en guise de compensation pour harmoniser la TPS et la taxe de vente de cette province.

Le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, cachait mal sa colère hier de voir que les fonctionnaires fédéraux contredisaient la position du gouvernement Harper. «Cela veut dire qu'ils nous mentaient en Chambre. Et les conséquences sont énormes. Il y a une somme de 4,3 milliards qui est versée à l'Ontario en guise de compensation. Le gouvernement de l'Ontario utilise cette somme pour envoyer un chèque de 1000$ à chaque famille ontarienne. Mais le Québec n'a pas vu la couleur du 2,3 milliards et il paie au moins 20% des 4,3 milliards remis à l'Ontario, soit 900 millions de dollars», a affirmé M. Duceppe.

Le chef bloquiste a soutenu que les documents en question donnent de nouvelles munitions au gouvernement du Québec.

Mais au bureau du ministre des Travaux publics, Christian Paradis, qui a été le principal porte-parole du gouvernement Harper dans ce dossier, on soutient que le Québec obtiendra le même traitement que l'Ontario si la province accepte le même accord que le gouvernement McGuinty.

«On a toujours dit que si le Québec décidait de faire comme l'Ontario, il serait traité exactement de la même manière. Le Québec reçoit déjà une compensation pour la perception de la TPS au nom du gouvernement fédéral (1,77 milliard depuis 1992). Le gouvernement du Québec a récemment indiqué qu'il souhaitait aller plus loin. Nous sommes prêts à négocier de bonne foi dans ce dossier», a indiqué Mark Quinlan, porte-parole du ministre Paradis.

Le gouvernement du Québec, qui perçoit et administre la TPS depuis 1992 et remet les fruits de cette taxe au gouvernement fédéral par la suite, soutient avoir harmonisé sa taxe de vente dans les années 1990 et réclame une compensation de 2,6 milliards depuis 1997.

Il y a quelques semaines, le ministre Flaherty a posé ses conditions pour verser une compensation au Québec. Le ministre exigeait que Québec cesse d'appliquer la TVQ à la TPS lorsque les consommateurs achètent des biens ou des services et que le gouvernement fédéral administre cette taxe harmonisée sur le territoire québécois.

À l'heure actuelle, une TPS de 5% s'applique sur les biens et services. Une TVQ de 7,5% est ensuite appliquée sur le prix de ces biens et services avec TPS. Le Québec est la seule province au pays avec l'Île-du-Prince-Édouard à imposer une taxe de vente sur la TPS.

Le gouvernement Charest a fait savoir qu'il était prêt à faire quelques ajustements réclamés par Ottawa pour obtenir une compensation. Entre autres choses, Québec s'est dit prêt à instaurer un crédit pour les grandes entreprises qui ont des revenus de plus de 10 millions de dollars, comme le fait Ottawa. Toutefois, le gouvernement du Québec tient mordicus à continuer à percevoir et à administrer la TPS, comme il le fait depuis 1992.

- Avec la collaboration de William Leclerc