Le chef du Parti libéral, Michael Ignatieff, s'accorde une fin de semaine de réflexion avant de déterminer s'il s'alliera ou non au Bloc québécois et au NPD pour défaire le gouvernement de Stephen Harper.

Le chef libéral est conscient que sa décision sera lourde de conséquences. S'il décide, à l'instar du Bloc québécois et du NPD, que l'heure est venue de mettre fin au règne du gouvernement Harper, il provoquera le quatrième scrutin fédéral en cinq ans et le deuxième en moins de huit mois.Une défaite des conservateurs à la Chambre des communes, vendredi prochain, entraînerait un scrutin fédéral le 27 juillet, en plein milieu des vacances de la construction.

Le Bloc québécois et le NPD ont affirmé jeudi qu'ils comptaient voter contre le gouvernement conservateur après avoir pris connaissance de la mise à jour économique du premier ministre Harper, à Cambridge, en Ontario. Les deux partis jugent que les mesures prises par le gouvernement sont insuffisantes pour relancer l'économie et soutenir les travailleurs et les entreprises en difficulté.

Jeudi, à Montréal, M. Ignatieff a indiqué qu'il voulait prendre le temps de lire au complet le rapport d'étape de quelque 250 pages produit par le gouvernement avant d'arrêter sa décision.

Le chef libéral passera le week-end dans sa circonscription de la région de Toronto à passer au peigne fin le document, à consulter ses proches collaborateurs et certains membres de son caucus. Il annoncera sa décision lundi.

«La situation est la suivante: nous avons une crise économique, nous avons un déficit exorbitant et nous avons une crise en santé avec la fermeture de la centrale nucléaire de Chalk River. Le gouvernement n'est pas à la hauteur de la situation», a affirmé une source libérale qui a requis l'anonymat.

«Michael Ignatieff est déchiré. Ce gouvernement n'est pas compétent, mais il faut voir si la tenue d'élections aggraverait la situation ou non. Il faut évaluer ce qui est dans l'intérêt des Canadiens dans les circonstances actuelles», a ajouté cette source.

M. Ignatieff juge aussi inacceptable que le gouvernement Harper n'ait pas précisé comment il compte rétablir l'équilibre budgétaire une fois la récession terminée. Dans son rapport d'étape, le gouvernement confirme que le déficit atteindra 50,2 milliards de dollars en 2009-2010, mais il reste muet sur le retour à l'équilibre budgétaire. Pourtant, dans son dernier budget, le ministre des Finances, Jim Flaherty, prévoyait l'élimination du déficit d'ici à 2012-2013. Il prévoyait aussi un déficit de 34 milliards de dollars, qui a été revu à la hausse récemment.

Des stratèges libéraux ont indiqué que Michael Ignatieff prendra sa décision indépendamment du chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, et de celui du NPD, Jack Layton.

Certains libéraux ont affirmé que, si Michael Ignatieff décide de ne plus appuyer les conservateurs, les autres partis pourraient reculer. «Il pourrait y avoir des députés du Bloc québécois et du NPD qui auraient soudainement envie d'aller au petit coin au moment du vote», a-t-on indiqué.

Il y a actuellement 161 députés de l'opposition et 143 conservateurs à la Chambre des communes. L'absence d'une vingtaine de députés de l'opposition suffirait à assurer la survie du gouvernement minoritaire.

De passage à Summerside, à l'Île-du-Prince-Édouard, hier, Stephen Harper a soutenu que la dernière chose dont le pays a besoin à l'heure actuelle est un autre scrutin: «Le gouvernement déploie tous les efforts pour s'assurer que les projets d'infrastructures démarrent au pays. C'est ce que les Canadiens veulent que nous fassions et c'est ce que nous allons continuer à faire. Personne ne veut voir renaître la coalition (entre le Parti libéral, le Bloc et le NPD). Personne ne veut voir les partis se livrer à de petits jeux politiques. Les gens veulent que le gouvernement et tous les partis politiques travaillent ensemble pour relancer l'économie.»

En privé, certains stratèges libéraux continuent de croire que Michael Ignatieff renoncera en bout de piste à l'idée de provoquer des élections estivales.

À l'heure actuelle, il doit composer avec les pressions soutenues qu'exercent plusieurs députés de l'Ontario qui souhaitent en découdre le plus rapidement possible avec les conservateurs.

L'ancien premier ministre Jean Chrétien presse aussi M. Ignatieff de provoquer la chute du gouvernement Harper.