Après Stéphane Dion, Michael Ignatieff s'apprête à goûter à la médecine des conservateurs.

Le Parti conservateur a lancé hier une offensive publicitaire à l'échelle nationale sur les ondes des stations de télévision, mettant en doute l'attachement de Michael Ignatieff au Canada.Les conservateurs ont ainsi recours à la même stratégie utilisée contre l'ancien chef libéral Stéphane Dion. Cette stratégie avait connu un succès certain auprès des électeurs canadiens dont une forte majorité ne voyait pas M. Dion occuper le poste de premier ministre.

Les troupes de Stephen Harper lancent cette offensive au moment où les libéraux de Michael Ignatieff voient leurs appuis augmenter dans les sondages depuis quelques semaines. Le dernier sondage Nanos, mené pour le compte de La Presse et du Toronto Star, accorde 36% des appuis au Parti libéral à l'échelle nationale contre 33% au Parti conservateur, tandis que le NPD doit se contenter de 15%.

«Michael Ignatieff a eu une longue lune de miel. Mais maintenant, cette lune de miel est terminée», a déclaré une source conservatrice qui a exigé l'anonymat.

En point de presse, après la période des questions, le principal intéressé a soutenu que les Canadiens ne seront pas impressionnés par une telle offensive alors que l'économie canadienne est en récession.

«Nous avons des faillites personnelles à un niveau record. Nous avons un taux de chômage qui grimpe chaque mois. Et la seule chose que ce gouvernement sait faire, c'est de créer de la publicité négative contre Michael Ignatieff. Je crois que les Canadiens s'attendent à beaucoup plus que ça», a dit le chef libéral.

«J'ai été très clair. Je ne vais pas me lancer dans des attaques personnelles contre M. Harper. Il ne devrait pas le faire non plus. S'il croit pouvoir me faire à moi ce qu'il a fait à mon prédécesseur, il se trompe royalement», a ajouté M. Ignatieff.

En tout, le Parti conservateur a préparé six annonces publicitaires - trois en français (www.quisuisje.ca) et trois en anglais (www.ignatieff.me) - qui ont commencé à envahir les ondes hier midi.

Les stratèges conservateurs ont passé les derniers mois à éplucher les écrits, les livres, les entrevues et les articles de journaux de Michael Ignatieff, en particulier lorsqu'il vivait à l'étranger. Dans certaines annonces, les conservateurs rappellent des déclarations de M. Ignatieff, notamment celle où il appelle les États-Unis son pays. «L'Amérique... c'est mon pays autant que le vôtre», a-t-il affirmé dans une entrevue à CPSAN, le 17 juin 2004, soit environ un an avant qu'il ne rentre à Toronto.

M. Ignatieff a quitté le Canada en 1969. Durant son séjour à l'étranger, il a notamment vécu à Londres et à Boston, où il a enseigné à Harvard.

Dans leur publicité, les conservateurs dépoussièrent une citation de M. Ignatieff parue dans le quotidien The Globe and Mail le 2 avril 1998 au sujet des Québécois. «Les Québécois fantasment sur le fait qu'ils sont différents, mais ils ne sont que des Nord-Américains qui parlent français. (...) Ils prennent des différences mineures et les amplifient.»

Ils relèvent aussi l'opposition du chef libéral, exprimée le 11 janvier 2006, à ce que le Québec obtienne une place au sein de l'UNESCO. «Des délégations internationales distinctes pour le Québec signifient que le Québec devient la risée internationale et que le Canada devient une source d'embarras... ce que nous n'avons jamais été.»

Le ministre des Travaux publics, Christian Paradis, a défendu cette tactique en affirmant que les Québécois doivent être informés des propos «troublants» qu'a tenus dans le passé Michael Ignatieff.

«M. Ignatieff n'est pas connu malgré les positions qu'il a prises au cours des 20 dernières années. Il a dit beaucoup de choses qui doivent être sues des Québécois. Par exemple, il prétend que les Québécois vivent dans un monde fantaisiste, que la seule chose qui différencie le Québec du Minnesota ou du Vermont, ce sont les panneaux de signalisation. Ce sont des faits qui sont troublants, qui doivent être sus des gens. C'est un chef qui est ultracentralisateur à la Trudeau, qui aime Trudeau parce qu'il savait remettre le Québec à sa place», a dit M. Paradis, le lieutenant politique de Stephen Harper au Québec.

À ce sujet, Michael Ignatieff a dit assumer la responsabilité de tous les propos qu'il a tenus dans le passé, même ceux qui pourraient le hanter aujourd'hui.

«J'ai écrit plus de bouquins que les conservateurs en ont lus. Bien sûr ils vont feuilleter mes pages pour voir des choses que j'ai écrites il y a 20 ans. Je prends la responsabilité de ce que j'ai écrit. Je ne suis pas un homme parfait. J'ai fait des erreurs dans le passé. Mais ce n'est pas du sérieux. Nous sommes dans une crise économique. (...) Ils veulent changer de sujet parce que le sujet qui compte, c'est leur incompétence économique», a dit M. Ignatieff.

Les stratèges conservateurs ont refusé de dévoiler le coût de cette offensive publicitaire ou de préciser combien de temps elle durera.