Les récents propos de Michael Ignatieff sur la coalition de décembre dernier ont créé un certain malaise dans les troupes libérales, hier, en plus de donner des munitions à ses adversaires, qui n'ont pas manqué d'attaquer le chef du PLC.

Dimanche, de passage à Montréal, M. Ignatieff a estimé que la coalition entre son parti et le NPD de Jack Layton, appuyée par le Bloc, n'aurait pas eu la légitimité voulue pour gouverner le Canada advenant que les conservateurs de Stephen Harper soient renversés. La coalition aurait «profondément divisé» le pays, selon lui.

 

Or, le chef nouvellement couronné avait apposé sa signature, à l'instar de tous les députés libéraux, au bas d'une pétition envoyée à la gouverneure générale - et qui se trouve toujours sur le site internet du PLC -, présentant la coalition comme l'«alternative viable» au gouvernement.

Pour les deux partenaires de la coalition, la volte-face du chef libéral démontre que sa signature n'a que peu de valeur.

«Moi, je me fie toujours à la signature de quelqu'un, a dit le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe. Quand on signe, ou bien on dit ''j'ai changé d'idée'', ce qu'il n'a pas dit, ou bien on salit la signature. Or, il peut difficilement reprocher au gouvernement d'avoir trahi certaines signatures si lui-même n'est pas capable de respecter la sienne.»

Le leader bloquiste reproche au chef libéral de «naviguer au gré des impressions», et estime que la coalition était «absolument un geste démocratique».

Dimanche, M. Ignatieff a affirmé que l'arrivée au pouvoir de la coalition aurait pu donner aux Canadiens l'impression que l'opposition avait volé le pouvoir. Le chef libéral de l'époque, Stéphane Dion, s'était allié au NPD et au Bloc dans le but avoué de renverser le gouvernement conservateur, estimant qu'il échouait à stimuler l'économie en crise. Des sondages avaient démontré que l'idée d'un gouvernement de coalition PLC-NPD était vue favorablement au Québec, mais pas dans l'Ouest canadien.

«Il a signé le document appuyant la création de la coalition. Peut-être a-t-il oublié les raisons pour lesquelles il l'a fait à l'époque, a critiqué le chef néo-démocrate, Jack Layton. Est-ce que la signature de M. Ignatieff a une valeur, oui ou non? Je laisse aux gens le soin de décider eux-mêmes.»

Les conservateurs n'ont pas non plus manqué l'occasion de remettre en question la crédibilité de M. Ignatieff. «Le chef libéral a renié en fin de semaine l'histoire récente de son parti», a lancé en chambre la députée conservatrice de Beauport-Limoilou, Sylvie Boucher.

Chez les libéraux, des députés interrogés à la sortie de la période des questions semblaient plutôt mal à l'aise, hier. «Je pense qu'il a signé, en tant que membre du parti, quand M. Dion était le chef et, après cela, il est devenu chef et, après beaucoup de consultation, il a dit que, selon lui, ce n'était pas la meilleure chose pour le Canada», a expliqué le critique libéral en finances, John McCallum.

Le lieutenant de M. Ignatieff pour le Québec, Denis Coderre, a affirmé que son chef avait agi «par solidarité» avec M. Dion, au moment de signer la pétition pour la coalition, mais qu'il est «tout à fait correct» qu'il donne maintenant son point de vue.

Selon le député d'Honoré-Mercier, Pablo Rodriguez, les propos du chef libéral n'ont rien d'une volte-face, mais témoignent plutôt du malaise que la coalition avait fait naître dans la population. «Ce que M. Ignatieff dit, c'est que c'était un débat qui était délicat, qu'il y avait beaucoup de Canadiens qui n'étaient pas confortables avec cette situation-là», a estimé M. Rodriguez.