La Turquie a rappelé son ambassadeur au Canada après que le ministre Jason Kenney et d'autres parlementaires eurent participé mardi à une cérémonie soulignant le cinquième anniversaire de la reconnaissance du génocide arménien par Ottawa.

La porte-parole du ministre canadien des Affaires étrangères Lawrence Cannon, Catherine Loubier, a assuré que cette reconnaissance ne constituait pas une condamnation de la Turquie moderne. Elle a aussi indiqué que les relations entre le Canada et ce pays allié demeurent bonnes. Le Congrès des Canadiens arméniens, qui a organisé la cérémonie de mardi, pense que la Turquie a voulu en faire un exemple, à la veille d'une reconnaissance officielle du génocide par Washington.

Le vice-président du Congrès, Pierre Akkelian, a rappelé en entrevue que l'administration américaine devrait reconnaître le génocide, vendredi. Il a souligné qu'avant d'être élu président, Barack Obama avait déjà parlé d'un génocide, une position que partagent les plus importants joueurs de son équipe, dont le vice-président, Joe Biden, et la secrétaire d'Etat, Hillary Clinton.

M. Obama souhaite toutefois obtenir l'appui de la Turquie pour certaines de ses politiques étrangères, ce qui suscite des inquiétudes au sein de la diaspora arménienne. Barack Obama a évité d'utiliser le terme génocide lors de sa visite en Turquie il y a un mois. Mais il a dit, en réponse à une question, qu'il n'avait pas changé d'opinion.

Pierre Akkelian a qualifié d'«enfantillages» le comportement de la Turquie, qu'il a invitée à mieux s'instruire au sujet de son histoire.

Ankara a toujours refusé l'utilisation du terme «génocide» pour décrire le massacre de quelque 1,2 millions d'Arméniens pendant la Première Guerre mondiale. La Turquie estime d'ailleurs qu'il n'y a eu qu'environ 300 000 morts.

L'ambassadeur Rafet Akgunay a été rappelé pour fins «d'évaluations et de consultations approfondies», a affirmé le porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères, Burak Ozugergin. Celui-ci n'a toutefois précisé ni la raison exacte du rappel de l'ambassadeur ni sa durée.

Un autre porte-parole du gouvernement, qui a requis l'anonymat, a indiqué que M. Akgunay a été rappelé de façon temporaire en guise de protestation contre un événement tenu mardi au Canada, où le massacre d'Arméniens a été qualifié de génocide.

Ce porte-parole a ajouté que le premier ministre Stephen Harper a envoyé un message à la cérémonie, ce qui a suscité la colère de la Turquie. Selon des médias turcs, des représentants du gouvernement canadien ont participé à l'événement.

M. Harper y aurait été honoré parce qu'il a été le premier chef du gouvernement canadien à reconnaître le génocide. Paul Martin était premier ministre quand le Parlement avait voté sur cette question, mais, comme il s'agissait d'un projet de loi privé, il s'était abstenu de voter.

La Turquie rappelle donc son ambassadeur au Canada pour une seconde fois en lien avec une dispute au sujet du génocide. En 2006, le pays avait vivement critiqué M. Harper pour avoir appuyé la reconnaissance du massacre d'Arméniens en tant que génocide. La Turquie avait alors rappelé son ambassadeur et s'était retirée d'un exercice militaire au Canada en guise de protestation.

Quelque 1,2 million d'Arméniens ont perdu la vie entre avril 1915 et juillet 1916, alors qu'ils vivaient pour la plupart sur le territoire actuel de la Turquie. Des historiens disent que ces personnes sont mortes dans le cadre d'un massacre qui a constitué le premier génocide du XXe siècle, ce que la Turquie a toujours nié avec véhémence, affirmant que le nombre de décès a été gonflé et que les Arméniens tués ont été victimes de la guerre civile et de l'agitation qui régnait à cette époque.