Groupe Polygone a discrètement relancé des négociations avec les avocats du gouvernement fédéral pour régler à l'amiable une poursuite au civil intentée par Ottawa pour récupérer des sommes d'argent payées en trop à certains acteurs importants du scandale des commandites.

Groupe Polygone, qui a empoché quelque 39 millions de dollars grâce à des contrats obtenus dans le cadre du défunt programme de commandites, avait tenté à l'automne de régler cette poursuite à l'amiable en offrant de rembourser la somme de cinq millions de dollars. Les avocats du ministère de la Justice avaient rejeté cette offre, mais avaient accepté d'entreprendre des négociations en espérant récupérer quelque 15 millions de dollars de cette firme dirigée par Luc Lemay.

Toutefois, les avocats de Groupe Polygone ont abruptement mis fin aux négociations avec le gouvernement fédéral après que le quotidien The Globe and Mail eut publié un reportage du journaliste Daniel Leblanc faisant état des démarches de la firme en octobre dernier.

Les avocats de Groupe Polygone ont aussi lancé en 2007 une offensive devant les tribunaux afin de débusquer l'une des sources de M. Leblanc qui lui a permis de rédiger une série de reportages retentissants au début des années 2000 sur la mauvaise gestion du programme de commandites. M. Leblanc a aussi écrit un livre, intitulé Nom de code: MaChouette, en l'honneur de la source qui l'a mis sur plusieurs pistes au début de son enquête.

Groupe Polygone, qui a tenté pendant trois ans de faire casser la poursuite du gouvernement fédéral, mène donc une démarche sur deux fronts. D'une part, la firme tente de conclure une entente à l'amiable avec les avocats du ministère de la Justice et, d'autre part, elle cherche toujours à forcer M. Leblanc à divulguer le nom de MaChouette.

«Groupe Polygone a fait savoir qu'il voulait reprendre les négociations pour trouver une entente hors cours», a confirmé une source gouvernementale.

Groupe Polygone tente de savoir qui est la source de M. Leblanc pour démontrer aux tribunaux que la poursuite d'Ottawa est survenue trop longtemps après la connaissance des faits par le gouvernement fédéral et qu'il aurait ainsi dépassé le délai de prescription de trois ans.

Pour avoir gain de cause, les avocats de Groupe Polygone veulent demander à M. Leblanc à partir de quelle date MaChouette a commencé à lui fournir des informations.

Le juge Jean-François de Grandpré, qui a la tâche de préparer la tenue du procès au civil fait aux principaux acteurs du scandale des commandites, a autorisé l'avocat de Groupe Polygone, Me Louis P. Bélanger, à interroger M. Leblanc pour connaître sa source.

M. Leblanc, qui a toujours refusé de dévoiler le nom de cette source, doit revenir devant le juge de Grandpré au cours des prochaines semaines.

Le juge de Grandpré avait piqué une colère en octobre dernier après la publication du texte de M. Leblanc. Il avait interdit au journaliste d'écrire sur le sujet. «Je ne veux plus voir dans les journaux un article comme celui du 21 octobre dans le Globe and Mail sur les tractations qui avaient lieu entre les parties», avait-il affirmé.

Le gouvernement fédéral a déposé en mars 2005 des poursuites au civil totalisant 40,7 millions de dollars contre 11 firmes qui ont obtenu de généreuses commissions dans le cadre du programme de commandites sans effectuer de véritable travail.

Les reportages de M. Leblanc ont mené à une enquête de la vérificatrice générale, Sheila Fraser, en 2002 et 2003, et à une commission d'enquête publique dirigée par le juge à la retraite John Gomery, en 2004 et 2005.