Le premier ministre Stephen Harper est catégorique: l'économie canadienne traînera la patte tant que les autorités américaines n'auront pas fait le ménage qui s'impose dans leur secteur financier.

 

M. Harper a fait cette mise en garde aux Canadiens hier à l'occasion d'un important discours visant à faire le point sur l'état de santé de l'économie canadienne et préciser les mesures prises par son gouvernement pour combattre la récession.

Dans ce discours devant la chambre de commerce de Brampton, près de Toronto, M. Harper a affiché un certain optimisme en soutenant que le Canada a été l'un des derniers pays à être frappé par la récession économique et qu'il sera l'un des premiers à en sortir.

Mais il a aussi fait preuve de réalisme en précisant que la durée de la récession dépendra largement de la rapidité avec laquelle les États-Unis seront en mesure de remettre leur système financier sur les rails.

«On ne sortira pas de cette récession mondiale tant que le problème du secteur financier américain ne sera pas réglé. Mais je peux vous dire une chose, le Canada est le dernier pays industrialisé à être entré dans cette récession. Nous allons nous assurer que les effets seront les moins graves et nous allons en sortir plus vite que les autres pays et plus forts que jamais», a dit le premier ministre.

Il a affirmé que l'économie américaine a été frappée jusqu'ici deux fois plus fort par la récession que celle du Canada. Les pays européens ont aussi été touchés par la crise deux fois plus fort que le Canada.

Cinq avantages

Le premier ministre a également soutenu que le Canada jouit de cinq avantages qui l'aideront à surmonter la présente crise économique: le secteur financier canadien est le plus solide au monde; le Canada dispose d'un faible taux d'endettement par rapport à la taille de son produit intérieur brut; la Banque du Canada a réussi à contenir l'inflation au cours des dernières années; la main-d'oeuvre canadienne est bien instruite et mobile; et enfin, l'économie canadienne est bien diversifiée.

Puis, citant le milliardaire américain Warren Buffett, M. Harper a affirmé: «Ce n'est que lorsque la marée baisse que l'on peut voir qui nage tout nu. La présente crise économique mondiale a démontré qu'il y avait plusieurs amateurs de nudisme à l'eau, mais le Canada ne fait pas partie de ce groupe.»

M. Harper a rappelé certaines mesures prises dans le dernier budget du ministre des Finances Jim Flaherty pour relancer l'économie canadienne. Ce budget, déposé le 27 janvier et présentement à l'étude au Sénat, prévoit des dépenses de 40 milliards de dollars au cours des deux prochaines années pour soutenir la croissance de l'économie. Cet argent pourra être investi à partir du 1er avril si le Sénat adopte rapidement le budget.

Le premier ministre a affirmé que son gouvernement avait réduit au maximum la paperasse bureaucratique afin d'accélérer les investissements importants dans les infrastructures et autres mesures pour relancer l'économie.

Il a aussi promis que même si le gouvernement fédéral a replongé dans l'encre rouge cette année après 12 ans de surplus, les déficits seront de courte durée. Des déficits cumulatifs de 84 milliards de dollars sont prévus au cours des quatre prochains exercices financiers.

M. Harper devra faire le point sur l'économie chaque trimestre afin de respecter l'amendement du Parti libéral au budget. Les troupes libérales ont accepté d'appuyer le dernier budget à condition que le gouvernement Harper produise un rapport tous les trois mois sur les progrès accomplis pour relancer l'économie. Ce rapport a été déposé hier aux Communes après le discours du premier ministre.

À la toute fin de son discours, le premier ministre n'a pu s'empêcher de lancer un avertissement aux partis de l'opposition, en particulier aux libéraux, qui détiennent la majorité au Sénat. Le budget est à l'étude au Sénat et certains sénateurs libéraux exigent des amendements au budget, notamment en ce qui a trait à des mesures touchant l'équité salariale.

«Nous agissons avec une rapidité sans précédent parce que nous traversons une récession mondiale qui nous a frappés à une vitesse sans précédent. Nous réduisons la bureaucratie et il faut que le Parlement réduise aussi sa bureaucratie. Il ne faut pas que l'opposition au Parlement remplace la bureaucratie administrative par une bureaucratie politique», a-t-il affirmé.

Réactions de l'opposition

Les partis de l'opposition se sont dits peu impressionnés par les propos du premier ministre.

Le chef du Parti libéral, Michael Ignatieff, a soutenu que M. Harper semble «porter des lunettes roses», comme ce fut le cas selon lui durant la dernière campagne électorale en octobre ou lorsque son gouvernement a fait une mise à jour économique en novembre. En campagne électorale, M. Harper a affirmé que le Canada pourrait éviter la récession tandis que dans l'énoncé économique le ministre des Finances Jim Flaherty indiquait qu'Ottawa pourrait éviter les déficits.

«Il est sur une certaine planète conservatrice, si j'ose dire. À Brampton, ils ont perdu 1100 emplois chez Chrysler, ils ont perdu de l'emploi chez Siemens, ils ont perdu de l'emploi sur ABC Plastics, tout près du lieu où il a donné le discours», a dit M. Ignatieff.

«Il a sous-estimé l'ampleur de la récession au début et je crois qu'il sous-estime l'ampleur de la crise maintenant. Et je ne veux pas qu'il chante des histoires aux Canadiens. Ils vivent des difficultés, ils ont droit à la vérité, même cruelle», a-t-il ajouté.

Le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, a aussi dit ne plus croire les propos de M. Harper au chapitre de l'économie. «Il voit un peu trop rose. Les pertes d'emplois arrivent à un rythme plus important actuellement», a-t-il dit.

Le chef du NPD, Jack Layton, a affirmé que le discours du premier ministre démontre qu'il n'a pas saisi encore l'ampleur de la récession.