Estimant que le prochain budget Harper ne peut être que «mauvais» et «dogmatique», la Fédération des travailleurs du Québec demande à Michael Ignatieff de renverser le gouvernement conservateur fin janvier et de prendre la tête d'un gouvernement de coalition.

«Je n'ai pas pris ma décision, a rétorqué M. Ignatieff à la sortie d'une consultation sur le budget avec les responsables de la FTQ, à Montréal. Une coalition reste une possibilité, elle reste sur la table. La seule chose que j'ai dite, c'est que je crois que c'est une responsabilité politique de lire le budget avant de le voter. M. Harper a perdu la confiance de la Chambre, il a une dernière chance de la regagner. L'opinion publique canadienne me demande de lui accorder une dernière chance.»

 

Le président de la FTQ, Michel Arsenault, semblait nettement plus pressé de voir Michael Ignatieff remplacer Stephen Harper à la tête du pays grâce à une alliance avec le NPD et le Bloc. «Je peux vous dire que c'est de la musique à nos oreilles que d'entendre M. Ignatieff dire qu'il faut protéger les plus vulnérables dans la société. Il faut que le budget protège les emplois et qu'en temps de crise, le gouvernement investisse dans l'économie du pays. On est également d'accord que les baisses d'impôts ne sont pas la solution à la crise dans laquelle nous sommes.»

Le Canada, estime le leader syndical, a actuellement besoin d'un premier ministre «pragmatique» comme M. Ignatieff plutôt que «dogmatique» comme M. Harper. «Quand l'eau coule dans la maison, on fait venir un plombier et non un menuisier. La politique en Amérique du Nord est en train de se centrer. La dernière chose dont on a besoin, ce sont des politiciens qui croient que le marché va tout régler.»

Amusé, M. Ignatieff a saisi l'image au bond. «Je suis très touché par l'idée que je pourrais être un bon plombier pour le Canada. Si l'eau coule dans la maison et moi, Ignatieff, je pourrais devenir un bon plombier, je le prends comme un compliment. Ma femme vous dirait que je ne suis pas le plus célèbre des plombiers au monde, mais je vais appeler des experts, des employeurs, des responsables de syndicats, des gens de bonne volonté au Canada qui vont tenter de nous réparer cette fuite.»

Advenant le rejet du budget Flaherty par les partis de l'opposition, et le refus de la gouverneure générale de confier le gouvernement à la coalition, le Canada se retrouverait plongé en élections, les deuxièmes en quatre mois. Le chef libéral a reconnu qu'il ne souhaitait pas ce scénario.

La balle est maintenant dans le camp des conservateurs, soutient-il, qui doivent pondre un budget approprié pour permettre au Canada d'affronter la crise. «Je n'ai pas été impliqué dans des négociations secrètes, c'est son budget, pas le mien. C'est à lui de prendre de bonnes décisions et c'est à moi de juger, au nom des Canadiens, s'il a fait de bons jugements.»

Ce sera vraisemblablement aux libéraux de décider de la survie du gouvernement fin janvier, le Bloc et le NPD ayant multiplié les signaux pour annoncer qu'ils rejetteraient le budget. Michael Ignatieff pourrait-il se permettre politiquement, comme l'a fait à plusieurs reprises son prédécesseur Stéphane Dion, de laisser passer ce budget? «Je suis conscient, ayant vécu l'expérience, que le Parti libéral a payé un prix fort pour nos abstentions dans le passé, laisse tomber, laconique, le chef libéral. Je suis conscient de ça.»