Le Parti conservateur trouvera sur son chemin des partis de l'opposition unis aux prochaines élections s'il compte faire campagne sur l'abolition des subventions versées aux partis politiques par l'État.

Le Bloc québécois, le Parti libéral et le NPD ont vivement réagi hier aux propos du premier ministre Stephen Harper, qui promet d'inclure l'abolition de ces subventions dans le programme électoral du Parti conservateur à la prochaine bataille électorale.

 

M. Harper a révélé ses intentions dans une entrevue diffusée jeudi sur le site internet du magazine Maclean's. «Je trouve ridicule que, en ces temps de récession économique, les partis politiques obtiennent des contribuables canadiens des subventions qui ne tiennent pas compte de leurs propres capacités de recueillir leur propre argent. C'est ridicule. Nous sommes déçus de voir qu'il n'y a aucune volonté des partis de l'opposition de s'attaquer à ce problème et d'indiquer qu'ils sont prêts à donner l'exemple», a affirmé M. Harper.

Pour le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, il est évident que M. Harper cherche toujours à étrangler financièrement les autres partis politiques, qui dépendent davantage de ces subventions que le Parti conservateur. Ces subventions sont versées tous les trois mois depuis 2004 et sont calculées en fonction du nombre de votes obtenus par chaque parti au scrutin précédent.

«Je suis contre cela. M. Harper s'est vanté d'avoir adopté des politiques inspirées de René Lévesque dans ce dossier. Or, cela fait partie des politiques adoptées par le gouvernement de René Lévesque d'avoir un financement de l'État pour faire en sorte qu'il y ait plus de démocratie», a dit hier M. Duceppe dans une entrevue à La Presse.

«Cela va étouffer complètement les petits partis politiques qui n'ont pas de députés, comme le Parti vert. Cela n'est pas bon pour la démocratie. C'est une erreur majeure, tout cela pour faire en sorte, dans la vision de Harper, d'éliminer les partis de l'opposition, surtout les libéraux. Il a une hantise du Parti libéral qui lui fait commettre des erreurs de jugement», a ajouté le chef bloquiste.

Le député libéral de la région de Montréal, Pablo Rodriguez, s'expliquait mal hier le moment choisi par le premier ministre pour relancer le débat sur cette question. Il a rappelé que le gouvernement Harper a failli être renversé aux Communes en décembre après que le ministre des Finances Jim Flaherty eut justement proposé d'abolir cette subvention dans son énoncé économique. Cette proposition, qui aurait permis d'économiser 27 millions de dollars par année, a provoqué une crise parlementaire sans précédent.

Les trois partis de l'opposition ont décidé de former une coalition après le dépôt de cet énoncé économique pour défaire le gouvernement minoritaire conservateur. Ils étaient furieux de voir les conservateurs tenter de leur couper l'herbe sous le pied et digéraient mal l'absence de plan pour relancer l'économie canadienne dans l'énoncé économique. Les conservateurs ont finalement renoncé à cette idée et suspendu les travaux des Communes en décembre pour éviter d'être défaits par l'opposition.

«Je ne vois pas pourquoi M. Harper revient encore avec cela aujourd'hui. Il nous dit que la priorité est l'économie, mais ses commentaires sur cette question sont des commentaires à caractère partisan et idéologique. Si sa priorité est l'économie, qu'il se concentre sur l'économie au lieu de faire des attaques partisanes. Il connaît l'impact de cela. On parle d'une somme de moins de 30 millions. C'est un petit prix à payer pour la démocratie telle qu'on la connaît aujourd'hui», a dit M. Rodriguez.

La subvention, qui s'élève à environ 1,95$ par vote obtenu, s'inscrit dans la vaste réforme de la loi sur le financement des partis adoptée par l'ancien gouvernement de Jean Chrétien en juin 2003 pour assainir les moeurs politiques à Ottawa.

De tous les partis, le Parti conservateur aurait perdu le plus d'argent - environ 10,4 millions de dollars - si le gouvernement Harper avait réussi à faire adopter l'énoncé économique. Le Parti libéral, qui a dû emprunter une bonne part des 18 millions qu'il a dépensés durant la dernière campagne électorale, aurait essuyé une perte de 7,2 millions par année.

Pour sa part, le Bloc québécois aurait vu ses coffres amputés de 2,75 millions par année tandis que le NPD aurait été privé de près de cinq millions. Enfin, le Parti vert, qui avait été grand gagnant de la réforme de Jean Chrétien, aurait vu quelque 1,9 million en subvention partir en fumée.