Après avoir affirmé qu'il lui ferait plaisir de parler au commissaire au lobbyisme, le maire de Saint-Bruno-de-Montarville Claude Benjamin lui fait une mise en garde par l'entremise des avocats de la Ville.

La Presse annonçait le 1er février dernier que le Commissaire au lobbyisme aura à l'oeil Saint-Bruno après avoir pris connaissance d'une vidéo tournée pendant une réunion du conseil municipal au cours de laquelle sont évoqués les liens entre le maire Claude Benjamin et le sénateur Paul Massicotte. Le maire Benjamin a déclaré à La Presse vendredi dernier qu'il n'avait jamais fait l'objet de lobby et qu'il lui fera plaisir de parler au Commissaire au lobbyisme.

Quatre jours plus tard, Claude Benjamin a fait parvenir une lettre au commissaire François Casgrain par l'entremise des avocats du cabinet Bélanger Sauvé.

Le maire reproche d'abord au commissaire d'avoir rendu publiques ses intentions avant de l'avoir informé. Les avocats disent aussi ne pas voir en quoi la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme aurait pu être enfreinte par le maire Benjamin ou les personnes qui l'accompagnaient lors de ses rencontres avec le sénateur Massicotte.

Les avocats soulignent également qu'il n'est pas du ressort du Commissaire au lobbyisme de poser de questions sur le projet immobilier du sénateur Massicotte.

Enfin, le maire demande à ce que des précisions soient apportées dans La Presse si les propos attribués à la directrice des communications Émilie Giguère étaient inexacts.

Le Commissaire au lobbyisme n'entend faire aucun commentaire au sujet de la lettre envoyée par les procureurs de Saint-Bruno, a précisé Émilie Giguère. Dans un courriel envoyé à La Presse avec la lettre destinée à Me Casgrain, le maire Benjamin affirme de son côté que «par respect pour le Commissaire qui donnera les suites qu'il estimera nécessaires, il n'entend pas commenter davantage le document transmis au Commissaire.»

Le Commissaire au lobbyisme a pour mandat de promouvoir la transparence et la saine pratique des activités de lobbyisme exercée auprès des titulaires de charges publiques tant au niveau provincial que municipal ainsi que de faire respecter la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme et le Code de déontologie des lobbyistes.

Dans le cas de Saint-Bruno, c'est une vidéo où on voit un citoyen interroger le maire au conseil municipal à propos de ses rencontres avec le sénateur Massicotte qui a suffisamment inquiété le Commissaire pour qu'il décide de poser des questions au maire Benjamin. «Il va prendre contact avec le maire pour s'assurer que les élus et les fonctionnaires comprennent bien les règles d'éthique établies par la loi, précisait Émilie Giguère, vendredi dernier. Il entend aussi poser des questions sur le projet immobilier.»

Le sénateur Massicotte est le promoteur d'un projet immobilier controversé à Saint-Bruno. Claude Benjamin reconnaît qu'il l'a rencontré à deux reprises, l'une au début de l'année 2006, l'autre en 2011 ou 2012. Or, Paul J. Massicotte, sénateur fédéral nommé par Jean Chrétien en 2003, n'a jamais été inscrit au registre des lobbyistes du Québec.

Le projet doit maintenant obtenir l'autorisation du ministère de l'Environnement. Pour l'instant, c'est la Ville et non le promoteur qui doit obtenir le feu vert de Québec. Le Ministère confirme qu'il a bien reçu une demande de la Ville de Saint-Bruno en mai 2012 pour l'implantation des infrastructures d'aqueduc et d'égout. «La demande était alors incomplète, et nous avons reçu récemment d'autres documents de la Ville, explique Daniel Leblanc, directeur adjoint au Ministère pour la région de la Montérégie. Nous procédons actuellement à l'analyse de ces documents.»

Le projet d'une trentaine de maisons de luxe sur un terrain adjacent au parc national du Mont-Saint-Bruno est contesté depuis plusieurs années par un groupe de citoyens. Le Parti montarvillois, qui forme l'opposition, a également soulevé quelques inquiétudes ces dernières années.

En février 2011, La Presse rapportait que le Parti montarvillois avait déposé une plainte au ministère des Affaires municipales pour un «grave manquement éthique.» Le parti de l'opposition relevait que l'entreprise du sénateur Massicotte avait déposé en avril 2006 un rapport d'évaluation écologique de la firme Dimension Environnement. Fait à noter, Paul Massicotte est devenu officiellement propriétaire du bois des Hirondelles le 28 mars 2006. Il avait déjà rencontré le maire et son équipe en janvier 2006.

En octobre 2007, Saint-Bruno embauchait également Dimension Environnement pour évaluer 10 milieux naturels sur son territoire, dont le bois des Hirondelles. L'embauche s'est faite de gré à gré, la valeur du contrat était inférieure au seuil de 25 000 $ au-delà duquel il faut procéder par appel d'offres.

Le Parti montarvillois trouvait aussi suspect que la Ville ait retenu pour son nouveau plan d'urbanisme les services de la firme qui a fait le plan du projet immobilier du bois des Hirondelles. «Il y a eu un appel d'offres public et elle était le plus bas soumissionnaire conforme», expliquait alors le maire Benjamin.

Le ministère des Affaires municipales n'avait pas donné suite à la plainte jugeant «qu'elle ne portait pas sur des éléments relevant de la compétence du Ministère.»

Rappelons que Saint-Bruno a fait les manchettes en janvier dernier après la diffusion sur YouTube d'une vidéo où l'on voit la police expulser plusieurs citoyens de la salle du conseil sur ordre du maire. Cette vidéo était un montage montrant plusieurs réunions du conseil municipal au cours de l'année 2012. De nombreuses interventions citoyennes portaient alors sur le projet immobilier du bois des Hirondelles.