Christian Lépine ne vomit pas les tièdes. Mais il leur met certainement la marche haute: pas question de faire ses sacrements en accéléré, ni de se marier sans avoir reçu celui de la confirmation. Et loin d'envisager un retour de la catéchèse à l'école par le biais des activités parascolaires, le nouvel archevêque de Montréal pense qu'un réseau d'écoles privées catholiques est sur le point de voir le jour.

«Il faut qu'il y ait des écoles privées confessionnelles, pour aller au bout de la foi et de son impact pédagogique», affirme Mgr Lépine, qui a succédé en mars à Jean-Claude Turcotte, dans une longue entrevue accordée à La Presse à l'archevêché.

Après tout, souligne-t-il, de telles écoles existent dans les communautés juive et musulmane. «C'est un désir qui occupe le coeur des gens. Il y a un chantier en cours.»

Parcours chrétien

La maxime sur les tièdes - dérivée de l'Apocalypse selon saint Jean - vient à l'esprit quand on lui demande si des parents qui vont une ou deux fois par année à l'église peuvent faire faire la communion à leur enfant, et encore plus quand on aborde la question du mariage.

«Aller à la messe à Noël, c'est peut-être un point de départ. Mais pour la première communion, il faut être prêt à accompagner l'enfant dans le parcours, pas seulement à la maison. On parle de 10 à 20 rencontres.»

Pour ce qui est d'un mariage où l'un des fiancés n'est pas baptisé, «on va inviter à un parcours» pour faire tous les sacrements avant le mariage. «Il y a de plus en plus de gens qui se font confirmer à l'âge adulte, pour se marier.»

Ceci dit, «le prêtre a une marge de manoeuvre»: Mgr Lépine n'imposera pas son point de vue sur la préparation aux sacrements à tous les prêtres du diocèse.

Refus de la communion

Cette attitude prudente se retrouve aussi quand on évoque le refus de la communion aux politiciens qui appuient l'accès à l'avortement, une avenue que certains évêques américains et canadiens-anglais ont embrassée. «C'est complexe. Il faut vraiment que ce soit une figure publique.»

Quand on évoque la récente motion visant à attribuer des droits légaux aux foetus, battue par 203 voix contre 91 en septembre au Parlement canadien, il se limite à dire qu'il connaît des politiciens qui vont à la messe, mais ne communient pas pour ce genre de raison.

Le prélat de 61 ans est tout aussi circonspect quand on évoque le cours d'éthique et culture religieuse, auquel des associations de parents catholiques ont tenté sans succès de soustraire leurs enfants.

«Je n'ai rien contre le cours, mais je pense que parfois les enseignants tentent d'être neutres alors qu'ils devraient avoir du respect. Être neutre, c'est impossible: on parle toujours à partir d'un certain point de vue. La mère d'un enfant de 8 ans m'a rapporté que son professeur avait demandé à la classe ce qu'on fêtait à Noël. L'enfant a répondu «la naissance de Jésus». Le professeur a répondu que ce n'était pas vrai, parce qu'il ne voulait pas que ce soit considéré comme un fait. Le respect, ça aurait été de répondre «les chrétiens croient qu'à Noël, on fête la naissance de Jésus». Une des choses que je trouve triste, c'est que dès qu'on parle d'intériorité, de méditation, de vie spirituelle, on pense à l'Inde. On oublie que dans l'Église, il y a une richesse de spiritualité et de sagesse.»

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Mgr Lépine et...

Le mariage des prêtres

«C'est une question légitime, issue de la société de notre temps. Il y a des raisons au célibat. Le prêtre est au service de Jésus-Christ et de son Église. Le célibat est aussi le signe visible que Jésus-Christ est l'époux de l'Église. Dans l'histoire de l'Église, il n'y a jamais eu de prêtres qui se sont mariés. Chez les catholiques orientaux, on a des hommes mariés qui deviennent prêtres. Mais pour le moment, rien n'indique qu'il y aura un changement.» Cette possibilité de changement existe-t-elle pour l'ordination des femmes? Ici, Christian Lépine est plus catégorique: «En mon âme et conscience, je suis porté à penser que ce n'est pas le plan de Dieu.»

Les abus sexuels

«Chaque cas est un cas de trop. Il faut à la fois prévenir et mieux agir quand il y a des dénonciations. La Conférence des évêques catholiques du Canada doit dans sa prochaine mise à jour des règles sur le sujet mieux encadrer le retrait du prêtre dans des fonctions administratives.»

Les fermetures d'églises

Voilà 15 ans, Montréal comportait 300 paroisses. Il y en a maintenant 200. Christian Lépine s'attend à ce que ce nombre reste stable, malgré la diminution constante du nombre de fidèles. «Il faut que l'église reste à une distance raisonnable de la vie des gens.» L'une des avenues est d'essayer de redistribuer la clientèle des églises «ethniques», où se regroupent le dimanche des gens des quatre coins de l'île, dans leur paroisse de résidence, en misant sur des prêtres polyglottes.