Quelque 1000 personnes dont de nombreux scientifiques en sarrau blanc ont défilé en cortège funèbre mardi pour dénoncer la «mort de la preuve scientifique», exécutée selon eux par le gouvernement conservateur.

Par cette manifestation, ils dénonçaient les compressions budgétaires qui ont entraîné la fin de plusieurs programmes de recherche et qui menacent l'existence de certains centres, comme celui des lacs expérimentaux, un laboratoire en plein air dédié à la protection de l'eau douce. Sans financement gouvernemental, il risque de devoir fermer ses portes en 2013.

Les manifestants ont aussi protesté contre le bâillon imposé aux scientifiques à l'emploi du gouvernement - un infocide», disent-ils - qui les empêche de s'exprimer librement sur la place publique.

Les scientifiques en sarrau et des «femmes endeuillées vêtues de noir» ont marché au son de musiques funèbres, scandant «pas de preuve, pas de science, pas de vérité, pas de démocratie».

Le cortège était précédé de «la mort», soit une jeune femme habillée d'une cape et d'un capuchon noirs, portant la faux, puis d'un cercueil qui représentait symboliquement le trépas de la preuve.

Les «oraisons funèbres» ont été prononcées dans les marches faisant face au Parlement. Plusieurs scientifiques ont pris la parole, faisant valoir que la preuve scientifique joue un rôle clé dans la prise de décision par les dirigeants canadiens, mais qu'elle a été réduite au silence.

«Après une longue bataille avec le gouvernement Harper, la preuve a reçu un coup fatal», a déclaré Katie Gibbs, une étudiante au doctorat en biologie qui a présidé aux «funérailles».

Quant au professeur de biologie de l'Université d'Ottawa, Vance Trudeau, il s'est adressé à la foule, disant le faire «pour tous ses amis qui ne peuvent pas parler».

«Nous demandons que le gouvernement revoit sa position vis-vis ces compressions mal informées», a-t-il lancé aux personnes massées devant le Parlement.

Il a toutefois félicité le gouvernement pour son soutien financier à la recherche appliquée, mais affirme que cela ne doit pas être au détriment de la recherche fondamentale.

«Nier la preuve scientifique, c'est naviguer dans un monde de contes de fées», a renchéri Arne Moores, un professeur de biodiversité de l'Université Simon Fraser. Ce qui est bien pour un enfant de quatre ans, mais pas pour les adultes, a-t-il poursuivi.

Les manifestants déplorent entre autres les compressions dans les programmes de recherche d'Environnement Canada, de Pêches et Océans Canada, du Conseil national de recherches Canada et de Statistique Canada.

Pour Scott Findlay, ancien directeur de l'Institut de l'Environnement de l'Université d'Ottawa, la mort de la preuve est une cause de deuil national. Il soutient que le public n'entend et ne voit que l'information qui appuie la politique du gouvernement fédéral ou son idéologie, y voyant une forme de propagande.

Pendant les «funérailles», plusieurs personnes sont venues porter des fleurs, et des livres scientifiques - dont «L'Origine des espèces» de Darwin - ont été déposés dans le cercueil de «la preuve».

Mais celle-ci peut être ramenée à la vie, a suggéré M. Findlay. Mais en plus de l'aide des scientifiques, celle de la population est requise pour la ramener dans le débat public et au coeur de la prise de décision du gouvernement.

À la fois le Nouveau Parti démocratique (NPD) et le Parti libéral ont appuyé les scientifiques.

La néo-démocrate Hélène LeBlanc était présente aux «funérailles» et s'est dite impressionnée par le nombre de personnes qui se sont rassemblées.

«De voir autant de scientifiques réunis pour dénoncer un gouvernement, c'est presque du jamais vu», a-t-elle déclaré.

En tant que parlementaire, elle dit compter sur la communauté scientifique pour donner un portrait exact d'une situation ou d'un problème à régler, car «pour avoir des politiques éclairées, elles doivent être basées sur des faits». Donnant son soutien au combat des scientifiques, elle souhaite que son parti soit leur porte-voix au Parlement.

Le député libéral Ted Hsu, également présent au rassemblement, a invité les citoyens à voter pour des politiciens qui croient en la science.