La majorité des aliments produits au Québec sont consommés... hors Québec. La valeur des exportations agroalimentaires de la province a atteint 5,6 milliards en 2011, un record. Bien que le porc et le soya restent populaires, ce sont les produits innovants qu'on s'arrache comme des petits pains chauds.

Célébrer la Saint-Jean-Baptiste -à tout le moins, le rayonnement du Québec à l'étranger- sans le savoir: c'est ce que font bien des Bostoniens qui achètent un pain dans une boulangerie artisanale, ce week-end.

«À peu près 500 boulangeries utilisent nos produits en dehors du Québec, dont 270 aux États-Unis, indique Steve Castegan, directeur général de la Meunerie Milanaise, producteur de farines et céréales biologiques des Cantons-de-l'Est. On est très présents en Nouvelle-Angleterre et à New York.» Comme la Meunerie Milanaise ne vend pas au détail chez nos voisins du Sud -c'est pour bientôt-, ce succès est méconnu.

Il est loin d'être le seul: la valeur des exportations agroalimentaires du Québec à l'étranger a atteint 5,6 milliards en 2011, un record. Il s'agit d'une hausse de près de 70% en 10 ans.

Plus de Canadiens et d'étrangers mangent québécois que de... Québécois. Seules 45% des ventes du secteur agroalimentaire du Québec sont réalisées dans notre province, selon le ministère de l'Agriculture (MAPAQ). La majorité des ventes se fait dans le reste du Canada (32%) et à l'international (23%).

«Exporter, c'est absolument essentiel, dit Nicolas Moisan, coordonnateur des marchés internationaux au Groupe export agroalimentaire Québec-Canada, qui regroupe 350 entreprises québécoises. Veut, veut pas, le Québec est un marché de 7 millions de personnes, donc limité. Et le Canada, ça reste un marché de 30 millions de personnes seulement.»

L'Union des producteurs agricoles (UPA), qui rêve de mettre davantage d'aliments du Québec dans notre assiette, partage cet avis. «Si on n'avait pas de débouchés à l'extérieur, on ne pourrait pas exploiter tout le potentiel de nos territoires agricoles», indique Charles-Félix Ross, économiste en chef de l'UPA.

Consommer tout ce qu'on produit, ça voudrait dire «manger beaucoup de porc, de lait, de sirop d'érable, de carottes et de pommes de terre», reconnaît en riant M. Ross. Tout en favorisant la consommation locale, on peut exporter nos surplus... et importer ce qui n'est pas cultivé chez nous.

Porc et soja

Le Québec exporte surtout de la viande de porc (d'une valeur de 1,1 milliard en 2011), au Japon (28%), aux États-Unis (26%) et en Russie (21%). Le deuxième produit parmi les plus populaires à l'étranger? Les fèves de soja québécoises, d'une valeur de 598 millions, envoyées dans l'Union européenne (61%) et au Japon (14%). «On en produit beaucoup, ce qui fait qu'on est compétitif sur les marchés internationaux», observe M. Moisan.

Mais tout n'est pas rose. «Avec le dollar canadien qui est fort, c'est pas mal plus difficile d'exporter depuis quelques années», indique Stéphane Van Winden, copropriétaire de la ferme Delfland, qui cultive 1000 acres de légumes à Napierville. «Notre marge de manoeuvre a disparu.»

Delfland exporte surtout de la laitue, produite à bas prix en Californie. «On n'est pas capables de produire au même prix qu'eux, constate M. Van Winden. Je ne sais pas comment ils font.» Seule la proximité du marché du nord-est des États-Unis -qui permet de limiter les coûts de transport- avantage nos agriculteurs.

«Le dollar à parité a nui, reconnaît M. Ross. Mais ce qui a vraiment fait mal, particulièrement aux exportations vers les États-Unis, c'est la récession économique.»

Heureusement, le Québec est moins dépendant qu'avant de l'appétit de son imposant voisin. Au début des années 2000, à peine 27% des exportations agroalimentaires allaient ailleurs qu'aux États-Unis, contre 44% en 2010.

La réussite de NutriSoya

Il reste qu'on ne peut pas tout exporter, ni exporter partout. «Vendre des me-too products comme en Chine, vouloir rivaliser sur les prix, ça ne fonctionne pas, observe Sylvain Charlebois, vice-doyen à la recherche et aux études supérieures de l'Université de Guelph. Ce qui est porteur, c'est de créer de nouveaux produits, à valeur ajoutée, qu'on peut offrir au monde.»

Pari réussi pour NutriSoya, de Saint-Hyacinthe, leader du marché des boissons de soya dans... les Caraïbes. «Vous avez autant de chances de tomber sur les boissons Natur-a dans les supermarchés de Porto Rico, de la Barbade et d'Antigua que dans votre épicerie au Québec», souligne avec fierté Larry Kass, responsable des exportations de NutriSoya.

Grâce à leur durée de vie d'un an sans réfrigération, les boissons Natur-a sont aussi exportées au Moyen-Orient, à Singapour et aux Philippines. Elles devraient l'être bientôt au Viêtnam et en Chine. Leurs atouts? Haute qualité, produits biologiques, faits avec des ingrédients canadiens, qui inspirent confiance.

«Longtemps, les Québécois ont trouvé que c'était trop compliqué d'exporter, observe M. Kass. Mais ça change: on est en train de débloquer ce réflexe.»

Photo: Ivanoh Demers, La Presse

Larry Kass, responsable des exportations de NutriSoya