«Est-ce que tu crois que la loi peut vraiment quelque chose pour toi?»

Cette question, posée par un fonctionnaire de la police, résonne encore dans la tête de Manuel Sanchez. Après avoir été victime d'un viol collectif et battu au cours d'une agression orchestrée par son ex-amant policier et des groupes criminels, Manuel Sanchez espérait trouver de l'aide auprès des autorités de son pays. En vain.

Au Mexique, la discrimination et les agressions contre les homosexuels sont fréquentes, et rarement punies - surtout si elles sont commises par des représentants des forces de l'ordre, déplore M. Sanchez. Il a demandé l'asile au Canada, mais faute de l'avoir obtenu, il pourrait être expulsé dès la semaine prochaine.

«Je suis dans la dernière instance que la loi me donne, un sursis de renvoi et une révision de mon dossier», explique Manuel Sanchez.

Arrivé au Canada en décembre 2008, il n'a pas été reconnu comme réfugié par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Il a tenté par la suite de demander la résidence permanente pour motifs humanitaires, ce qui lui a également été refusé. Il a enfin fait une demande d'examen des risques avant renvoi, qui a aussi reçu une fin de non-recevoir.

«Je ne comprends pas comment le système fonctionne, se désole-t-il. Qu'est-ce que je dois faire pour être cru? Malgré tous mes documents et toutes mes preuves, on ne me croit pas.»

Au Mexique, l'homme de 40 ans a vécu en cachant son homosexualité. Selon son avocat, Stewart Istvanffy, 20% des gais mexicains ont déjà été agressés par la police, et 85% sont victimes de discrimination.

«Il y a beaucoup de preuves de l'absence de protection des gais au Mexique», assure-t-il.

C'est dans un bar de Mexico que la route de Manuel a croisé celle de l'homme qui est devenu son amant, puis son bourreau. Il se prétendait policier, mais Manuel ignorait s'il disait la vérité. Ce n'est que le soir de son agression - il avait alors rompu tous ses liens avec lui - qu'il a compris qu'il ne lui avait pas menti. L'homme a arrêté puis agressé Manuel Sanchez en habit de policier, dans sa voiture de service.

Ce policier ne l'a d'ailleurs pas oublié: l'an dernier, il s'en est pris au salon de coiffure de l'un de ses amis, et l'a aussi agressé.

À Montréal, pour la première fois de sa vie, M. Sanchez peut marcher la tête haute, sans craindre d'être agressé.

«C'est la meilleure étape de ma vie, dit-il, malgré ses soucis avec les services d'immigration. Ici, je peux vivre comme homosexuel. Au Mexique, j'étais toujours caché.»

En danger au Mexique

Selon l'Association de soutien aux immigrants et réfugiés gais, lesbiennes, queer et transsexuels (AGIR), Manuel Sanchez ne sera pas en sécurité dans son pays d'origine. «Il a vécu la violence sexuelle, la persécution par quelqu'un qui est lié à l'État. C'est clair qu'il ne sera pas protégé», estime Edward Lee, vice-président d'AGIR.

Au moment où le projet de loi C-31 est en troisième lecture à la Chambre des communes, le cas de Manuel Sanchez suscite des inquiétudes. S'il est adopté, C-31 donnera au ministre le pouvoir de désigner des pays comme étant «sûrs» et de priver ainsi leurs ressortissants de tout moyen d'appel. Le Mexique pourrait en faire partie.

«Le Canada traite le Mexique comme un État de droit, comme s'il n'y avait aucune violence, alors qu'il y a des milliers de viols chaque année», dit Rosalind Wong, militante de Solidarité sans frontières.

Le juge Noël, de la Cour fédérale, a pris le dossier en délibéré. Une décision pourrait être rendue d'ici demain.