Les employés d'Air Canada ont déclenché une grève de quelques heures hier aux aéroports de Montréal et de Toronto, forçant le transporteur à retarder ou annuler plusieurs vols.

C'est la décision de la compagnie de suspendre trois employés pour avoir interpellé la ministre fédérale du Travail à l'aéroport de Toronto, jeudi, qui a mis le feu aux poudres. En entrevue à une télévision communautaire ontarienne, la ministre Lisa Raitt a raconté qu'elle avait été accueillie à l'aérogare par un groupe de travailleurs qui l'applaudissaient et la félicitaient pour son «bon» travail.

Les relations entre Mme Raitt et deux des syndicats d'Air Canada sont loin d'être cordiales depuis que la ministre a présenté une loi spéciale, il y a quelques semaines, pour les empêcher d'utiliser leur droit de grève ou de lock-out, dans le cadre de négociations houleuses.

La ministre a dit avoir dû être escortée à l'extérieur de l'aéroport par des agents de police. Elle a nié, cependant, avoir ordonné à ces agents d'«arrêter ces animaux», en désignant les travailleurs, comme l'a affirmé un représentant du syndicat.

«Il y a eu des mesures disciplinaires contre certains de ces employés, le reste du syndicat est en grève aujourd'hui», a-t-elle expliqué.

Selon le syndicat, 38 employés auraient été congédiés à la suite de ce qu'Air Canada juge être une grève illégale et trois ont été suspendus pour leur geste à l'endroit de la ministre. La compagnie aérienne n'a pas voulu confirmer ces informations.

En matinée, hier, le transporteur a obtenu une injonction auprès d'un arbitre pour forcer ses employés à retourner au travail. Le syndicat, en retour, serait parvenu à faire réintégrer tous ses membres dans leurs fonctions. Le syndicat en question représente les bagagistes et les machinistes, entre autres. Il a affirmé que l'arrêt de travail s'était fait contre sa volonté.

Perturbations

Les moyens de pression ont causé des dizaines de retards et d'annulation de vols. Plusieurs chiffres ont été avancés pendant toute la journée, dépassant la centaine dans les aéroports de Montréal, de Toronto et d'ailleurs au pays. «Je n'ai pas la compilation», a indiqué la porte-parole d'Air Canada, Isabelle Arthur.

«Même si les employés des Services au sol d'Air Canada aux aéroports internationaux de Toronto et de Montréal sont retournés au travail après avoir déclenché un arrêt de travail illégal ce matin, on s'attend, jusqu'à la fin de la journée, à ce que des vols d'Air Canada, au Canada et aux États-Unis, soient retardés ou annulés», a déclaré l'entreprise par voie de communiqué en fin de journée.

Sur place et dans les réseaux sociaux, les réactions ont été nombreuses et partagées. Certains rageaient tandis que d'autres appuyaient les travailleurs et pourfendaient la ministre ou l'entreprise.

En guise de compensation pour ses clients, la compagnie a annoncé qu'elle prolongeait jusqu'à demain la possibilité de reporter sans frais un voyage déjà réservé.

Pas au bout de leurs peines

La semaine de l'ancienne société d'État s'est terminée comme elle avait commencé: de manière houleuse. Et tant Air Canada que le gouvernement et les travailleurs ne sont pas au bout de leurs peines.

La fin de semaine dernière, des vols avaient également été perturbés à Montréal et à Toronto par des pilotes qui se sont déclarés malades à la dernière minute. Le syndicat des pilotes mène lui aussi des négociations difficiles avec l'employeur. Lundi, il a déposé une injonction contre la loi spéciale du gouvernement Harper lui retirant son droit de grève.

Le même jour, c'était au tour de l'entreprise d'entretien aéronautique Aveos d'annoncer qu'elle cessait ses activités. Cette sous-traitante d'Air Canada employait quelque 2000 personnes à Montréal et plus de 500 à Winnipeg et Vancouver. Elle s'est depuis placée sous la protection du tribunal pour tenter de s'entendre avec ses créanciers.

Des pressions pour forcer Ottawa à trouver une solution dans ce dossier ont été exercées hier, entre autres par le maire de Montréal. Avec ses homologues de Winnipeg et de Vancouver, Gérald Tremblay a écrit une lettre au premier ministre Stephen Harper pour l'exhorter à intervenir.

La députée du Bloc québécois Maria Mourani a réclamé la tenue d'un débat d'urgence à la Chambre des communes lors du retour des députés, lundi. De tels débats débutent généralement vers 19 h et se terminent vers minuit. Elle souhaite faire pression sur le gouvernement pour qu'il fasse respecter sa loi, qui prévoit que l'entretien des avions d'Air Canada doit être fait à Montréal.