Stephen Harper a entrepris l'année en faisant face à d'énormes défis politiques sur la scène nationale. Il a donc adopté une stratégie qui a bien servi plusieurs premiers ministres canadiens: il a mis les voiles vers l'étranger.

Ces voyages visaient à polir l'image du premier ministre dans son pays afin que les Canadiens le perçoivent comme un leader fiable et compétent pour les questions économiques.

C'est d'ailleurs son habileté à tirer un avantage politique de la récession et d'en sortir plus fort que jamais depuis le début de son règne de premier ministre, il y a quatre ans, qui fait de M. Harper la personnalité ayant le plus marqué l'actualité en 2009, selon un sondage annuel mené par La Presse Canadienne auprès des directeurs de l'information des journaux ainsi que des stations de radio et de télévision.

«Ses agissements personnels sur la scène internationale et les positions surprenantes défendues sur des grands enjeux comme le réchauffement climatique sont décriés, mais il maintient le cap», affirme Maurice Cloutier, rédacteur en chef du quotidien La Tribune, à Sherbrooke.

«M. Harper semble avoir gagné le pari que les Canadiens sont moins préoccupés par l'image du pays sur la scène internationale que par des intérêts plus personnels au niveau du soutien de l'économie canadienne et de la sécurité publique», ajoute-t-il.

M. Harper est désigné personnalité de l'année pour une deuxième fois consécutive, mais il n'a pas été le seul à retenir l'attention en 2009. Le premier ministre a obtenu 24% des votes, devançant ainsi Jim Balsillie (19%), le richissime fondateur et chef de la direction de l'entreprise Research In Motion qui a tenté sans succès d'amener au Canada une autre équipe de la Ligue nationale de hockey.

Parmi les autres personnes qui ont récolté des votes, on note Victoria (Tori) Stafford (11%), cette jeune écolière de Fergus, en Ontario, dont l'enlèvement et le meurtre ont semé l'émoi au pays, ainsi que le docteur David Butler-Jones (11%), directeur de la santé publique au Canada qui est devenu une célébrité nationale en raison des efforts pour contrer la pandémie de grippe A (H1N1).

«C'est tout de même impressionnant de constater que le premier ministre a plutôt bien réussi à traverser l'année 2009, alors que son gouvernement minoritaire était menacé par une coalition à la fin de l'année dernière», affirme Eric Aussant, rédacteur en chef du quotidien Métro à Montréal.

«En plus, les conservateurs terminent l'année en avance dans les intentions de vote au pays, ajoute-t-il. Pourtant, ce ne sont pas les sujets épineux qui ont manqué pour M. Harper cette année. On peut en dresser toute une liste: l'économie et la récession, l'Afghanistan, l'environnement, etc.»

Deux événements ont particulièrement marqué l'année 2009 pour M. Harper sur la scène internationale: la visite à Ottawa du très populaire président américain, Barack Obama, en février, ainsi que son voyage en Chine en décembre. Dans les deux cas, les réactions ont été généralement positives.

Les allocutions les plus importantes du premier ministre, qu'elles aient été prononcées devant des banquiers à New York ou devant des gens d'affaires en Chine, visaient d'abord un auditoire canadien, selon le politologue Faron Ellis, professeur au Lethbridge College, en Alberta.

Il estime que ces discours ont contribué à redonner confiance aux Canadiens rendus inquiets par les difficultés économiques, en plus d'aider les conservateurs à gagner des appuis parmi les minorités visibles.

M. Harper a failli perdre le pouvoir à la fin de 2008. Le vent a toutefois commencé à tourner en sa faveur en février, à Ottawa, lorsqu'il a profité de la grande sympathie populaire dont jouissait le nouveau président américain.

Les relations apparemment cordiales entre MM. Harper et Obama ainsi que la décision du premier ministre canadien d'aligner sa politique environnementale sur celle de l'administration démocrate à Washington lui ont permis de se mettre à l'abri des attaques de ceux qui l'accusent d'être un «républicain canadien, un Bush version légère ou le gouvernement le plus à droite de l'histoire canadienne», selon M. Ellis.

L'un des plus beaux succès médiatiques de l'année pour M. Harper a été sa participation surprise à un gala du Centre national des arts. Accompagné du violoncelliste de réputation internationale Yo-Yo Ma, le premier ministre a offert, assis au piano, une assez bonne version de la chanson des Beatles With A Little Help From My Friends.

La politologue Antonia Maioni, de l'Université McGill, qualifie le style de M. Harper de «leadership tranquille». Lorsqu'on lui demande quels ont été les moments les plus spectaculaires de la dernière année pour le premier ministre, le seul qui lui vient à l'esprit est «sa performance au piano au Centre national des arts. Si c'est le seul moment qui ait pu susciter l'inspiration, nous avons un problème en termes de leadership.»

Andrea Kriluck, rédactrice en chef du journal The Standard à St. Catharines, en Ontario, ne partage pas cet avis. Elle dit avoir voté pour M. Harper parce qu'elle avait le sentiment qu'il a été omniprésent au cours de la dernière année.

«Il a affronté la récession en distribuant du financement dans les communautés, a dû faire face à la pression internationale en raison de l'inaction du Canada sur la question des changements climatiques, a montré ses talents musicaux au piano au Centre national des arts, en plus d'être victime d'une parodie d'un militant libéral qui l'a présenté comme une victime d'un assassinat», affirme Mme Kriluck.

Il semble que M. Harper ait su s'effacer quand il le valait mieux pour lui. Il a passé moins de temps à la Chambre des communes cet automne que ces deux prédécesseurs, selon des données compilées par le quotidien Le Devoir. Lorsque la controverse concernant le traitement des prisonniers afghans a éclaté, en novembre, le premier ministre a préféré prendre part à une séance photo en compagnie des membres de l'équipe nationale de crosse plutôt que de répondre aux questions de l'opposition à la Chambre des communes.

Il s'est fait discret pendant presque toute la période de négociations sur les changements climatiques à Copenhague ce mois-ci, laissant à son ministre de l'Environnement, Jim Prentice, la tâche de répondre aux nombreuses critiques concernant la position canadienne à ce sujet.

«Ça démontre un peu ce que Stephen Harper est en mesure de faire, c'est-à-dire de détourner l'attention pour se maintenir au pouvoir, par défaut», affirme Mme Maioni.