Avant de devenir citoyen canadien, il faudra dorénavant connaître le mouvement souverainiste du Québec, le passé militaire du pays, les parties sombres de son histoire et l'importance de l'égalité entre les hommes et les femmes.

Le gouvernement conservateur de Stephen Harper a présenté, hier, un nouveau guide d'information qui vise à donner l'heure juste à ceux qui ont choisi le Canada comme terre d'accueil.«Le but de ce livre est d'éduquer les gens. Les nouveaux arrivants, mais aussi les Canadiens qui sont nés ici, pour renforcer la cohésion sociale et promouvoir l'intégration, a expliqué en conférence de presse le ministre de l'Immigration et de la Citoyenneté, Jason Kenney. Nous ne voulons pas d'un Canada fait de plusieurs communautés parallèles.»

Le guide pourra selon lui être aussi utilisé par les Canadiens, notamment les jeunes, comme un condensé d'information primordiale pour comprendre la société dans laquelle ils vivent.

Peuples autochtones, déportation des Acadiens, rébellion de 1837 et 1838, participation des soldats canadiens aux guerres mondiales y sont abordés, de même que les symboles et les régions du Canada, l'économie, la justice, la diversité, le système électoral, la culture, le sport.

«Caractéristiques uniques au Québec»

Sur la page couverture du guide, qui sera remis dès maintenant à tous les nouveaux arrivants, le Québec est représenté par une photo du crucifix qui coiffe le siège du président à l'Assemblée nationale, «un symbole historique», selon M. Kenney.

On y parle aussi, succinctement, de la Révolution tranquille, des référendums sur la souveraineté et de la reconnaissance récente de la nation québécoise, en 2006, par le gouvernement conservateur. «C'est très important. C'est une motion historique de la Chambre des communes, a estimé le ministre. Ça reflète une réalité historique et sociologique du Canada. Nous voulons nous assurer que les nouveaux Canadiens comprennent qu'il y a des caractéristiques uniques au Québec.»

Valeurs canadiennes

Le nouveau guide explique «les droits et responsabilités» du citoyen et informe les nouveaux arrivants des étapes à suivre pour obtenir leur citoyenneté. Mais pour Ottawa, le document se veut surtout un reflet des valeurs canadiennes.

«Je crois que c'est important que tout le monde au Canada comprenne que le multiculturalisme ne justifie pas des pratiques sexuelles barbares», a souligné M. Kenney pour justifier l'ajout d'un paragraphe incisif sur l'égalité entre les femmes et les hommes au tout début du document.

«Les crimes d'honneur, les mariages forcés, la violence conjugale, la mutilation sexuelle des femmes sont totalement inacceptables, contre nos lois et nos valeurs», a-t-il ajouté.

Mais le ministre de l'Immigration a rapidement dû se défendre d'avoir choisi, par exemple, de parler abondamment de l'armée canadienne - expliquant même la signification du coquelicot -, mais de ne pas signaler le fait que le mariage entre conjoints du même sexe est reconnu depuis 2005.

«Évidemment, nous ne pouvons pas mentionner dans un tel document toutes les lois qui ont été adoptées, a-t-il rétorqué. En lisant l'ancien guide, on pourrait penser qu'il n'existe pas de gais et de lesbiennes au Canada. Or, on mentionne dans celui-ci que le médaillé d'or Mark Tewksbury est un militant de premier plan pour la communauté gaie et lesbienne. Je pense que ce guide, en fait, reflète la diversité canadienne.»

Le document de 62 pages, qui contient de multiples photos et une section à remplir par le nouvel arrivant, remplace le guide adopté au milieu des années 90 par le gouvernement libéral de Jean Chrétien.

«C'est absolument ridicule de présenter le Canada aux nouveaux arrivants sans mentionner les 110 000 Canadiens qui ont sacrifié leur vie pour le pays dans le dernier siècle. Le livre précédent ne le faisait pas. C'était un scandale. Ce guide corrige la situation», a conclu le ministre Kenney.

Ottawa devra maintenant adapter à ce nouveau contenu l'examen que doivent passer tous les immigrants pour obtenir leur citoyenneté.

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Extraits

Sur la nation québécoise

«Les Québécois sont les habitants du Québec, en grande majorité francophones. La plupart sont les descendants de 4500 immigrants français arrivés au cours des dix-septième et dix-huitième siècles et conservent une identité, une culture et une langue qui leur sont uniques.»

Sur les référendums

«Les années 60 sont au Québec une époque de changements rapides appelée la «Révolution tranquille». Beaucoup de Québécois cherchent à se séparer du Canada. [...] Le mouvement pour la souveraineté du Québec prend de l'ampleur, mais il est défait lors de deux référendums organisés dans la province, en 1980 et 1995. L'autonomie du Québec dans le Canada suscite toujours des débats de nos jours et anime en partie cette dynamique qui continue de façonner notre pays.»

Sur l'égalité hommes-femmes

«Au Canada, hommes et femmes sont égaux devant la loi. L'ouverture et la générosité du Canada excluent les pratiques culturelles barbares qui tolèrent la violence conjugale, les meurtres d'honneur, la mutilation sexuelle des femmes ou d'autres actes de violence fondée sur le sexe. Les personnes coupables de tels crimes sont sévèrement punies par les lois canadiennes.»

Sur l'armée

«Défendre le Canada. Le Canada n'impose pas le service militaire obligatoire. Toutefois, travailler à temps plein dans les Forces canadiennes est une noble façon d'apporter sa contribution au Canada et un excellent choix de carrière.»

Sur la bataille des Plaines

«Au dix-huitième siècle, la France et la Grande-Bretagne se font la guerre pour devenir maîtres de l'Amérique du Nord. En 1759, les Britanniques gagnent la bataille des plaines d'Abraham à Québec, marquant ainsi la fin de l'Empire français en Amérique. [...] Après la guerre, la Grande-Bretagne donne à la colonie le nom de «Province du Québec». Les francophones catholiques, appelés habitants ou Canadiens, cherchent à préserver leur mode de vie au sein de l'Empire britannique anglophone dirigé par des protestants.»

Sur la diversité

«Depuis les années 1800, la majorité des Canadiens sont nés au Canada. Toutefois, le Canada est souvent appelé une terre d'immigration du fait qu'au cours des deux siècles derniers, des millions de nouveaux arrivants ont contribué à construire et à défendre notre mode de vie. Aujourd'hui, de nombreux groupes ethniques et religieux vivent et travaillent côte à côte pacifiquement, en fiers Canadiens.»