Les Québécois demeurent opposés à l'abolition du registre des armes à feu, mais un nouveau sondage laisse entendre qu'ils sont les seuls à l'être à travers le Canada.

Pas moins de 56 pour cent des résidants de la province se disent contre l'abolition du registre mis sur pied dans la foulée du drame de l'Ecole Polytechnique, au cours duquel 14 femmes ont été assassinées.

En comparaison, seulement 36 pour cent des Canadiens vivant dans les autres provinces affirment être en faveur du maintien du registre, selon les données d'un nouveau sondage La Presse Canadienne - Harris Decima.

Les appels pour le sondage ont été effectués entre le 5 et le 8 novembre, soit juste après l'adoption aux Communes en deuxième lecture d'un projet de loi d'une députée conservatrice visant à abolir le registre des armes d'épaules.

Les Québécois se distinguent également des autres Canadiens parce qu'ils croient que le registre joue un rôle dans la prévention du crime. En effet, la moitié des répondants du Québec (50 pour cent) estime que le registre a permis de diminuer le nombre de crimes commis par armes à feu. C'est carrément le double des chiffres recueillis dans le reste du Canada, où seulement 25 pour cent ont répondu par l'affirmative.

Selon le vice-président de la firme de sondage, Doug Anderson, les Québécois ont traditionnellement été plus enthousiastes à l'égard du registre que leurs compatriotes des autres provinces. Il souligne cependant que le sondage survient à «un moment de plus forte sensibilité», peu après le troisième anniversaire de la tragédie du collège Dawson et à peine un mois avant le vingtième anniversaire de celle de l'Ecole Polytechnique.

Selon lui, cela peut expliquer en partie les différences entre le Québec et le reste du Canada.

«A l'extérieur du Québec, il ne semble pas vraiment y avoir de force qui dirait «s'il-vous-plaît, n'abolissez pas le registre des armes à feu'», a-t-il noté.

La semaine dernière, les députés conservateurs, aidés de huit députés libéraux et 12 néo-démocrates, ont permis le passage en deuxième lecture d'un projet de loi privé pour mettre fin au registre des armes d'épaule. Comme il s'agissait d'un projet de loi émanant d'une députée conservatrice plutôt que du gouvernement, les députés avaient le loisir de voter comme bon leur semblait, sans se soucier de la ligne de parti.

Les députés du Bloc québécois ont tous voté contre le projet de loi de Candice Hoeppner. La journée même du vote, l'Assemblée nationale faisait adopter une motion unanime pour manifester l'attachement des élus québécois au registre.

Le projet de loi a malgré tout été envoyé en comité pour une étude plus approfondie, avant un éventuel vote final qui, si une majorité de députés se rangent à nouveau derrière la députée Hoeppner, sonnerait l'arrêt de mort du registre des armes de chasse.

Si c'était le cas, les détenteurs d'une Ruger Mini 14 - l'arme semi-automatique utilisée à Polytechnique encore vendue à titre de fusil de chasse - n'auraient plus besoin de figurer au registre.

L'appui pour l'abolition au registre est particulièrement marqué en Alberta (64 pour cent), en Saskatchewan et au Manitoba (61 pour cent), contrairement à l'Ontario (42 pour cent).

Toutes provinces confondues, toutefois, seulement le tiers des électeurs affirment que la position prise par leur député sur le registre influencera leur décision de lui accorder ou non leur vote aux prochaines élections.

«Aussi émotionnel que cela puisse être, il est très probable que les Canadiens auront des préoccupations plus pressantes ou plus importantes dans leur décision de voter», a soutenu M. Anderson.

Un peu plus de 1000 Canadiens ont été interrogés par téléphone pour ce sondage. La marge d'erreur est de 3,1 pour cent, 19 fois sur 20.