Un Canadien d'origine soudanaise, bloqué six ans au Soudan en raison de soupçons de terrorisme avant de pouvoir revenir au Canada, réclame 27 millions de dollars au gouvernement canadien pour son rôle présumé dans son arrestation et sa détention.

Abousfian Abdelrazik, 47 ans, avait été arrêté au Soudan en mars 2003, où il s'était rendu pour visiter sa mère malade. Il affirme avoir fait deux longs séjours en prison dans son pays d'origine et avoir été torturé, selon le texte de sa plainte contre le gouvernement que l'AFP a pu consulter.Finalement libéré, il n'avait toutefois pu quitter le Soudan parce que son nom figure sur la liste noire de l'ONU des personnes soupçonnées de terrorisme. Craignant pour sa vie, il s'était réfugié en mai 2008 à l'ambassade du Canada à Khartoum.

Le gouvernement canadien a finalement dû accepter en juin de le laisser revenir au Canada après en avoir reçu l'ordre d'un tribunal fédéral.

Dans une action en justice engagée devant la Cour fédérale à Ottawa, M. Abdelrazik réclame 24 millions de dollars de dédommagement au gouvernement canadien et 3 millions de dollars au ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon.

Il tient le gouvernement pour responsable de son emprisonnement et des mauvais traitements qu'il dit avoir subi et accuse le chef de la diplomatie d'avoir «violé délibérément et de façon flagrante son droit constitutionnel de revenir au Canada», en tant que citoyen canadien.

Cette affaire en rappelle une autre, celle du Canadien d'origine syrienne Maher Arar, qui avait obtenu en janvier 2007 des excuses officielles du gouvernement canadien et plus de 10 millions de dollars de dédommagement. M. Arar avait été expulsé par les Etats-Unis vers la Syrie sur la base d'informations canadiennes erronées, et torturé.

«Dans le cas de M. Arar, la responsabilité canadienne était indirecte, tandis que dans celui de notre client -et c'est la grande différence- des responsables canadiens ont directement demandé à un gouvernement étranger -connu pour pratiquer la torture- de détenir un citoyen canadien», a déclaré à l'AFP l'un des avocats de M. Abdelrazik, Paul Champ.

«Il a été cueilli par la police secrète soudanaise et alors que sa famille n'arrivait pas à savoir où il était, le gouvernement canadien disait officiellement à cette dernière qu'il ne le savait pas non plus».

«Au même moment, des agents du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) l'interrogeaient à Khartoum pendant qu'il était détenu par les Soudanais», a affirmé M. Champ pour qui «c'est plutôt dégoûtant».

En fin de matinée, le ministère canadien des Affaires étrangères n'avait pas réagi à ces affirmations.

Marié à une Canadienne et père de trois enfants, M. Abdelrazik était arrivé en 1990 au Canada, où il a obtenu le statut de réfugié puis la nationalité canadienne en 1995.