Même très qualifiées, rares sont les femmes immigrées qui réussissent à trouver un emploi de qualité, révèle une nouvelle étude qui, pour une rare fois, se penche sur le cas spécifique des femmes.

«C'est un gros gaspillage», dénonce Marie-Thérèse Chicha, professeure titulaire à l'École de relations industrielles de l'Université de Montréal, et auteure de l'étude «Le mirage de l'égalité : les immigrées hautement qualifiées à Montréal», dont les résultats viennent d'être rendus publics.Pour son enquête qualitative, la chercheuse a interrogé 44 femmes immigrées parlant français, toutes détentrices de diplômes universitaires, arrivées au pays depuis au moins trois ans (et parfois depuis 15 ans). Résultat ? Les deux tiers se retrouvent soit fortement déqualifiées (à 43 %) ou encore moyennement déqualifiées (à 25 %). On parle ici d'une ingénieure, devenue livreuse de journaux, ou encore d'une chef comptable, qui surveille désormais des écoliers pendant leur pause du dîner. Seulement le tiers des femmes rencontrées ont réussi à décrocher un emploi à la hauteur de leurs qualifications. Mais encore là, le parcours a toujours été long, semé d'embuches, jamais évident, nuance la chercheuse, qui cite le cas d'une ingénieure forcée de faire un stage en Ontario pour faire reconnaître son diplôme au Québec.

L'enquête a voulu éclairer pourquoi certaines immigrantes percent, d'autres non. Conclusion ? Celles qui réussissent, «pour la plupart, n'avaient pas d'enfants en arrivant». Avec pour résultat qu'elles se sont retrouvées tout à fait autonomes pour constituer des réseaux, faire reconnaître leurs diplômes, sans avoir à garder d'enfant ou chercher une place en garderie.

À l'inverse, celles qui ont le plus de difficultés sont celles qui arrivent avec de jeunes enfants. «Elles ont une discrimination double, triple, indique la chercheuse, non seulement en tant qu'immigrées, mais en tant que femmes, mères de famille, femmes au travail, etc. Les femmes immigrées cumulent tout cela.»

Le constat final de ces femmes est très dur : «Si c'était à recommencer, elles ne le feraient pas.»

«Ce que je souhaite avec cette étude, c'est de faire réaliser à quel point le problème est complexe et urgent, conclut la chercheuse. C'est de vies humaines qu'il s'agit.»

À son avis, la commission Bouchard-Taylor a d'ailleurs fait fausse route en se concentrant sur les différences culturelles, religieuses, et les accommodements raisonnables. «Ce n'est pas ça le principal obstacle, dit-elle. Le vrai problème, c'est la discrimination au travail.»

«Cette enquête universitaire illustre clairement qu'il y a un sérieux problème d'intégration des immigrantes dans le milieu de l'emploi et qu'il est temps de réagir», a commenté Ayman Al-Yassini, directeur général de la Fondation canadienne des relations raciales.

Chaque année, le Québec accueille 45 000 nouveaux arrivants. D'après les dernières données de Statistique Canada, le taux de chômage des immigrés demeure deux fois plus important que celui des Québécois de souche. Selon le Conference Board du Canada, les pertes attribuables à la non-reconnaissance des diplômes pour l'ensemble des travailleurs au pays sont de l'ordre de 4,1 à 5,9 milliards de dollars.