Les États-Unis auraient utilisé deux aéroports canadiens, dont celui de Mirabel, afin de faire transiter des armes vers le Népal, et ce, en dépit de leur engagement à respecter un moratoire interdisant de telles transactions avec ce pays.

Rendue publique mardi sur le site RueFrontenac.com, cette affaire, qui remonte à 2005, met en scène les gouvernements américains, canadiens, divers ministères et organismes fédéraux, une entreprise du Maryland spécialisée dans l'emballage de produits dangereux et Aéroports de Montréal.

 

L'article raconte qu'au cours de l'année 2005, le gouvernement américain a brisé son engagement à ne pas vendre d'armes au gouvernement népalais alors aux prises avec une rébellion maoïste. Publiquement, les États-Unis s'étaient engagés, comme plusieurs autres pays, dont l'Inde, la Grande-Bretagne et l'Australie, à ne pas faire le commerce d'armes avec le Népal, alors dirigé par une dictature monarchique. Mais ils auraient utilisé des canaux détournés pour continuer à y faire des affaires.

«Ce n'est pas une situation qui nous surprend, a indiqué en entrevue à La Presse, Anne Ste-Marie, porte-parole d'Amnistie internationale. Il est déplorable de constater avec quelle facilité les pays réussissent à contourner les embargos sur les ventes d'armes.»

Ce n'est pas la première fois que le Canada se retrouve au coeur d'un imbroglio de cette nature. Ainsi, en 2003, La Presse avait dévoilé que des avions privés, liés à la CIA, avaient transité par le Canada afin de déplacer incognito de présumés terroristes vers des prisons secrètes.

Cette affaire avait aussi eu une résonance en Europe où, selon Mme Ste-Marie, cette pratique avait été dénoncée avec force. Or, se rappelle-t-elle, ça n'avait pas été le cas ici. «Nous avions interpellé le gouvernement canadien sur l'usage de l'espace aérien du pays pour le transfert de prisonniers secrets. Il avait fait la sourde oreille à nos demandes.»

Un long périple

Selon l'article de RueFrontenac.com, le passage des armes des États-Unis vers le Népal était le fruit d'un long périple.

Elles étaient d'abord envoyées par l'armée américaine à une entreprise du Maryland spécialisée dans l'emballage de produits dangereux. Puis, elles étaient acheminées par camion jusqu'à Mirabel. Les contenants n'auraient pas été inspectés puisqu'ils étaient frappés de scellés diplomatiques des États-Unis. De là, les armes étaient placées à bord d'avions-cargos Antonov appartenant à Vega Airlines, une entreprise bulgare. Ces appareils transitaient par Gander (Terre-Neuve), Shannon (Irlande) et Sofia (Bulgarie) avant de se rendre au Népal, leur destination finale.

Chez Transports Canada, on nous a confirmé avoir délivré des permis à Vega Airlines pour le transport de matières dangereuses, en conformité avec les normes internationales. «Nous avons émis ce qu'on appelle un permis de niveau de sécurité équivalent, a expliqué un porte-parole, Patrick Charette. Les permis émis à Vega lui permettaient de faire une escale technique ou de survoler l'espace aérien du Canada.»

Pour M. Charette, un arrêt à Mirabel constitue un exemple d'«escale technique». Il a aussi ajouté que «certains types d'armement» s'inscrivent dans la catégorie des «matières dangereuses» nécessitant un permis.

Aéroports de Montréal estime n'avoir aucune responsabilité dans cette histoire puisque l'inspection des avions-cargos relève des compagnies aériennes et des pays concernés. Chez les libéraux, au pouvoir au moment des faits, on dit n'avoir aucune information à ce sujet. Frank McKenna, alors ambassadeur du Canada à Washington, a décliné notre demande d'entrevue. NavCanada, organisme chargé du trafic aérien, n'a pas rappelé.