Le Tribunal canadien des droits de la personne a rejeté la plainte pour discrimination que l'avocate de Québec Micheline Montreuil avait déposée contre les Forces armées canadiennes.

«C'est sûr que c'est une déception, a-t-elle déclaré en entrevue. Je dirais que c'est surtout une défaite pour les droits de la personne. (...) Il y a quelque chose qui ne tourne pas correctement.»

L'avocate transgenre estimait que les Forces canadiennes avaient refusé sa demande d'enrôlement, en 1999, «en raison de son sexe et d'une perception de déficience». Elle avait donc déposé en décembre 2002 une plainte dans laquelle elle réclamait 547 000 $ pour perte de salaire et préjudice moral. Les audiences ont eu lieu à Québec de décembre 2006 à décembre 2007.

Le juge Pierre Deschamps en est arrivé à la conclusion que Micheline Montreuil, qui se représentait elle-même, n'avait pas pu prouver que son identité sexuelle était bel et bien à l'origine du refus de l'armée. Dans une décision de plus de 300 pages datée du 19 août mais rendue publique mardi, il considère que «les allégations ne sont pas crédibles et que Micheline Montreuil n'est pas crédible», ce que la principale intéressée a trouvé «très dur».

Le magistrat remarque par ailleurs que la condition de transgenre peut entrer dans la catégorie des troubles de l'identité du genre, tels que définis dans la bible de la psychiatrie, le DSM-IV.

Le juge Deschamps ajoute qu'il est «indiscutable» qu'une personne «peut décider de vivre en société sous les apparences qu'elle désire», qu'un homme peut décider de porter des vêtements féminins, voire de féminiser son corps par diverses interventions, et que «la société doit pouvoir respecter ces choix» et ne pas «conclure trop rapidement que cette personne présente une condition pathologique».

Une demande de la Commission des droits de la personne, qui souhaitait que les Forces canadiennes adoptent des programmes de sensibilisation et d'intégration, a aussi été rejetée par le Tribunal.

Très mince consolation pour Micheline Montreuil, l'armée doit lui verser 351 $ plus les intérêts pour les frais de déplacement qu'elle a encourus en allant rencontrer des témoins experts à Montréal, en 2006.

Soulignons que, dans sa décision, le juge Deschamps utilise tantôt le masculin, tantôt le féminin, quand il fait référence à Me Montreuil. La principale intéressée ne s'en est toutefois pas formalisée. «Il n'y a rien qui me dérange, a-t-elle assuré. Je suis habituée à être appelée de différentes manières.»

Quand on lui a demandé si elle y voyait un manque de délicatesse, l'avocate a déclaré: «Je ne peux pas me permettre de le dire, mais vous pouvez vous permettre de le penser».