L'avocat de Brian Mulroney a demandé au commissaire Oliphant de garder en tête l'importance de la réputation de son client au moment de rédiger son rapport. Me Pratte a fait cette demande au cours de sa plaidoirie finale devant la commission Oliphant chargée de faire la lumière sur les relations d'affaires de l'ancien premier ministre avec Karlheinz Schreiber, qui a terminé hier une étape importante.

«Je sais ce qu'un rapport d'enquête publique peut faire dans la vraie vie à des honnêtes citoyens. Même des grands serviteurs de l'État, quand on en présente une image injuste ou incomplète, se font stigmatiser. Ils ont de la difficulté à trouver ou à garder un emploi. Ils sont insultés dans des hôpitaux ou dans des supermarchés. Vous devez le vivre vous-même ou voir des gens que vous aimez passer à travers pour savoir ce que ça veut dire dans la réalité», a dit l'avocat, qui a représenté Jean Pelletier devant la commission Gomery sur le scandale des commandites.

Me Pratte, qui a réclamé du juge une approche équilibrée et équitable envers Brian Mulroney, a reconnu à plusieurs reprises que son client avait commis une erreur en acceptant des dizaines de milliers de dollars de la part de Karlheinz Schreiber. Il a toutefois affirmé qu'il n'avait commis aucune faute ou geste illégal, soit avant ou après avoir quitté son poste de premier ministre.

Il a demandé au commissaire Jeffrey Oliphant de considérer que M. Mulroney avait déjà payé cette erreur très cher, dont en étant «déclaré persona non grata par le premier ministre, qui a dit à son gouvernement, ses collègues du cabinet, aux membres du parti, le parti pour lequel M. Mulroney a travaillé pour plus de 50 ans, qu'il a dirigé pendant 10 ans, qu'ils ne pouvaient pas communiquer avec lui».

M. Oliphant a répondu qu'il était parfaitement conscient de l'impact que son rapport pouvait avoir sur la réputation des personnes impliquées dans la commission d'enquête.

Il a par ailleurs qualifié la tâche qui l'attendait d'«éléphantesque». Pour rédiger cette partie du rapport, qui est attendue d'ici au 31 décembre prochain, il devra réviser plus de 4800 pages de transcriptions, en plus des milliers de pages fournies en preuve documentaire au cours des quelque 30 jours de témoignage, par la trentaine de témoins qui ont défilé devant lui.

Les avocats de deux autres parties ont fait leurs représentations finales au cours de cette dernière journée de la partie des travaux de la commission. Cette partie porte sur les faits touchant la relation d'affaires entre MM. Mulroney et Schreiber. La partie II, qui commence dans quelques jours, porte sur les règles d'éthique qui devraient être imposées aux titulaires de charge publique.

L'avocat de Karlheinz Schreiber, Richard Auger, a ouvert la marche en remettant en doute la crédibilité du témoignage de M. Mulroney. «La preuve de M. Mulroney sur les questions clés de cette enquête n'est appuyée par aucun témoin crédible ou document la corroborant», a dit l'avocat.

Me Auger a réitéré la version de son client selon laquelle une entente de lobbying a été conclue entre Brian Mulroney et lui quelques jours avant que ce dernier ne quitte son poste de premier ministre. L'avocat de M. Mulroney a catégoriquement rejeté cette possibilité.

Robert Houston, l'avocat de Fred Doucet, l'ancien bras droit de Brian Mulroney devenu lobbyiste, a quant à lui fait valoir que son client n'avait pas été rémunéré 90 000$ quelques semaines après son départ du gouvernement pour la signature d'une entente de principe entre Ottawa et la compagnie allemande Bear Head, représentée à l'époque par M. Schreiber.