Un ancien chef de cabinet de Brian Mulroney conteste les déclarations répétées de M. Mulroney selon lesquelles ce dernier a annulé la première version du projet de véhicules blindés Bear Head alors qu'il était toujours premier ministre.

En entrevue à La Presse Canadienne, Norman Spector a soutenu que M. Mulroney a tracé un portrait inexact de la façon dont il a traité le projet piloté par l'homme d'affaires germano-canadien Karlheinz Schreiber. Selon M. Spector, le témoignage de M. Mulroney dans le cadre d'une enquête publique a montré que l'ancien premier ministre pouvait s'avérer vague et évasif dans ses propos. «M. Mulroney n'a jamais annulé le projet, dans quelque version que ce soit», a dit M. Spector.

Le projet Bear Head, qui a vu le jour au milieu des années 1980, est au coeur de l'enquête présidée par le juge Jeffrey Oliphant. Le projet initial aurait mené à l'implantation d'une usine de la firme allemande Thyssen AG au Cap-Breton, en Nouvelle-Ecosse, pour y faire construire des véhicules blindés et les vendre à l'armée canadienne, ainsi que pour les exporter. Après 1992, l'emplacement du projet a été changé pour Montréal, et l'accent a été davantage mis sur les marchés d'exportation.

M. Mulroney a admis avoir accepté au moins 225 000 $ comptant de M. Schreiber pour promouvoir la version initiale du projet après son départ de la politique, en 1993.

Mais la semaine dernière, au cours de quatre jours de témoignage, il a assuré avoir décommandé la proposition initiale après avoir été informé par M. Spector de son coût beaucoup plus élevé que l'estimation d'origine. Plus tard, M. Mulroney a laissé entendre qu'il avait ordonné à M. Spector de mettre un terme au projet, et que ce dernier avait parlé à Paul Tellier, alors greffier du Conseil privé, et à ce titre, plus haut fonctionnaire au pays. «Le projet était mort», a-t-il dit.

Mais la preuve recueillie à l'enquête a montré que le projet n'est pas réellement mort, et a survécu, sous une forme différente. Des notes de M. Tellier ont continué à circuler au sein de l'appareil bureaucratique et M. Muroney a reconnu avoir eu des rencontres subséquentes avec M. Schreiber, le ministre Elmer MacKay, et Fred Doucet, un ancien adjoint devenu lobbyiste pour M. Schreiber.

Après avoir lu les comptes rendus du témoignage de M. Mulroney dans les médias, M. Spector a déclaré en entrevue, au cours du week-end, que lorsqu'il a rencontré M. Mulroney en décembre 1990, il l'a informé que le projet coûterait 765 millions $ de plus que prévu. «Dans ce cas, le projet est mort.» Cela a été la réponse de M. Mulroney, selon M. Spector, ce qu'a confirmé l'ex-premier ministre.

Mais là s'arrête la concordance entre les déclarations des deux hommes. Après lui avoir dit que le projet était «mort», M. Mulroney n'a jamais formulé d'ordre explicite de tuer le projet, a déclaré M. Spector. «Ce n'est pas vrai qu'il l'a annulé, ou qu'il m'a ordonné de l'annuler. Ce n'est jamais arrivé. Je le démens catégoriquement», a-t-il insisté.

M. Mulroney revient devant la commission Oliphant pour un cinquième jour de témoignage, ce mardi.