Les Canadiens sont divisés sur la nécessité de la commission Oliphant, qui enquête sur l'affaire Mulroney-Schreiber. La majorité d'entre eux estime que c'est une mauvaise utilisation des fonds publics.

C'est ce que révèle un sondage de la firme Nanos mené pour La Presse et le Toronto Star. L'enquête téléphonique a été faite entre le 25 et le 30 avril auprès de 1001 Canadiens. Pas moins de 45% des personnes interrogées ont répondu que la Commission est une très mauvaise dépense pour le gouvernement. Une proportion de 18% croit qu'il s'agit d'une mauvaise utilisation de son argent. «Selon les estimations, cette enquête coûtera 14 millions de dollars», a-t-on rappelé dans la question.

Seulement 15% des gens croient qu'il s'agit d'une utilisation judicieuse ou très judicieuse des fonds publics (7% ont répondu «très judicieuse» et 8%, «judicieuse»).

«L'intensité des opinions quant à la mauvaise utilisation des taxes est très forte», a noté le président de la firme, Nik Nanos.

«Quand on compare les deux extrêmes, les Canadiens sont six fois plus susceptibles de penser que c'est une très mauvaise utilisation qu'une très bonne utilisation des fonds publics.»

Selon lui, la situation économique actuelle explique ces résultats. «Si le gouvernement enregistrait des surplus et que l'économie était prospère, les gens ne se soucieraient probablement pas autant que l'argent des contribuables soit utilisé pour cette enquête», a-t-il dit.

Nécessaire?

Le fait que les Canadiens ne semblent pas convaincus de la nécessité de cet exercice n'aide sans doute pas non plus. Le sondage démontre que 39% des répondants croient qu'il est nécessaire ou très nécessaire de tirer ces transactions financières au clair. Or, presque la même proportion, soit 34%, estime que ce n'est pas nécessaire, voire pas nécessaire du tout.

«Pour que les Canadiens croient que cette enquête en vaille la peine, quelque chose de nouveau doit en sortir», a souligné le sondeur. Sinon, les perceptions pourraient s'assombrir encore davantage, a-t-il ajouté.

La commission Oliphant a été lancée par le gouvernement Harper pour faire la lumière sur les transactions commerciales entre l'homme d'affaires germano-canadien Karlheinz Schreiber et l'ancien premier ministre Brian Mulroney.

M. Schreiber a versé entre 225 000$ et 300 000$ en argent comptant à M. Mulroney dans les mois qui ont suivi son départ du poste de premier ministre, dans des chambres d'hôtel de Montréal et de New York. Les deux hommes offrent des versions contradictoires quant aux services que devait rendre M. Mulroney en contrepartie de cet argent.

L'Ontario plus sceptique

Le coup de sonde démontre par ailleurs que les opinions sur la Commission diffèrent selon les régions. Les Ontariens remportent la palme des Canadiens les plus sceptiques.

Les habitants des provinces atlantiques et, dans une moindre mesure, ceux du Québec sont les plus susceptibles de trouver qu'une telle enquête publique est nécessaire. Dans les Maritimes, 44% des gens jugent l'exercice nécessaire ou très nécessaire. Au Québec, la proportion est de 42%. Les habitants de l'Ouest canadien suivent à 40%.

En revanche, seulement 33% des Ontariens jugent l'exercice nécessaire ou très nécessaire.

Même chose pour la question de l'utilisation des fonds publics. Seize, 17 et 18% des résidants du Québec, de l'Ouest canadien et du Canada atlantique, respectivement, trouvent que les 14 millions que la Commission d'enquête pourrait coûter serait une utilisation judicieuse ou très judicieuse de leur argent. En Ontario, ce pourcentage est de 12%.

Nik Nanos y voit une mauvaise nouvelle pour le gouvernement Harper, dans cette province cruciale pour ses espoirs électoraux.

«Les électeurs en Ontario ont tendance à être plus préoccupés par le ralentissement économique que les électeurs d'autres parties du pays. Et ces résultats suggèrent que les Ontariens croient qu'il y a des priorités plus importantes sur lesquelles le gouvernement devrait se concentrer, plutôt que de dépenser de l'argent dans une enquête sur quelqu'un qui a été premier ministre il y a 15 ans.»

La marge d'erreur de ce sondage téléphonique est de plus ou moins 3,1 points de pourcentage, 19 fois sur 20. Cette marge d'erreur augmente avec les échantillonnages régionaux, ce qui appelle à la prudence dans leur interprétation.