Les 300 000$ que Karlheinz Schreiber affirme avoir versés à Brian Mulroney dans les mois qui ont suivi son départ du gouvernement provenaient en majeure partie de commissions d'Airbus.

C'est l'une des conclusions du rapport juricomptable rendu public à la commission Oliphant, hier. La firme Navigant a analysé la provenance de l'argent dans plusieurs comptes bancaires détenus par M. Schreiber, dont le compte suisse nommé «Britan», duquel il dit avoir retiré les billets de 1000$ remis à M. Mulroney dans des chambres d'hôtel de Montréal et de New York entre août 1993 et décembre 1994. La firme n'a pas été en mesure d'établir que de l'argent avait bel et bien été versé à Brian Mulroney, ni qu'il en connaissait la provenance, si la version des faits de M. Schreiber est exacte. «Nous n'avons aucun moyen de lier les retraits de fonds dans Britan à M. Mulroney», a indiqué le témoin expert, Steven Whitla.

Les avocats de la commission et le commissaire Jeffrey Oliphant lui-même ont multiplié les précisions et les mises en garde quant à leur interprétation de ces conclusions. «Il n'y a aucune preuve et nous n'affirmons pas que tout paiement fait l'a été pour quoi que ce soit d'autre que pour [le projet] Bear Head», a déclaré l'avocat principal de la commission, Richard Wolson.

Le mandat de la commission écarte l'affaire Airbus, qui a été l'objet d'une longue enquête de la GRC et d'une poursuite en diffamation de Brian Mulroney contre le gouvernement fédéral qui s'est réglée par le versement de 2,1 millions à l'ancien premier ministre.

La commission Oliphant est chargée d'expliquer pourquoi M. Mulroney a reçu de l'argent de M. Schreiber. Si l'opinion des deux hommes diverge quant à la nature du mandat et sur les sommes versées - l'ancien premier ministre affirme que c'était plutôt 225 000$ -, ils s'entendent néanmoins pour dire que le mandat portait sur le dossier Bear Head, un projet d'usine au Canada de véhicules blindés de la compagnie allemande Thyssen, qui ne s'est jamais concrétisé.

Le rapport Navigant vient toutefois contredire M. Schreiber, qui a affirmé à la commission que les paiements faits à Brian Mulroney provenaient d'une commission versée par Thyssen au moment de la signature d'une entente de principe avec le gouvernement pour ce projet, en octobre 1988. La firme a plutôt démontré que ces commissions avaient pris des chemins différents.

Questions en suspens

Par ailleurs, l'analyse détaillée laisse d'autres importantes questions en suspens, à défaut d'avoir pu consulter certains documents. On ignore par exemple ce qu'il est advenu de plusieurs millions de dollars retirés ou transférés des comptes bancaires de Karlheinz Schreiber, et qui avaient été reçus d'Airbus.

Navigant estime que l'homme d'affaires germano-canadien a pu recevoir jusqu'à 22,5 millions US de la compagnie aérienne entre octobre 1988 et octobre 1993. M. Schreiber était lobbyiste pour Airbus auprès du gouvernement canadien lors de la vente de 34 appareils à Air Canada en mars 1988, une transaction de 1,8 milliard de dollars.

Karlheinz Schreiber doit témoigner aujourd'hui pour répondre à des questions sur ce rapport. Il a précisé hier qu'il était hors de question qu'il fournisse d'autres informations sur ses transactions financières, tant que les autres parties impliquées dans l'affaire, dont Brian Mulroney, ne fourniront pas à leur tour les documents financiers en leur possession, sans en censurer le contenu.