Le ministre de la Sécurité publique, Peter Van Loan, a dû se porter à la défense du commissaire de la GRC, William Elliott, dont des déclarations sur les pistolets électriques ont été remises en question par une enquête de Radio-Canada et CBC.

Les émissions Enquêtes et The National ont en effet révélé que le corps policier fédéral avait retiré de ses directives en juin dernier celle de ne pas utiliser l'arme à impulsion de manière répétée ou continue.

Ces changements ont été apportés quelques mois avant le début de la commission d'enquête Braidwood, qui se penche actuellement sur la mort filmée et spectaculaire du ressortissant polonais Robert Dziekanski à l'aéroport de Vancouver.

M. Dziekanski a reçu cinq décharges électriques d'une durée totale de plus de 30 secondes lors de son arrestation par la GRC, en octobre 2007.

Étude montréalaise

Or, une étude menée récemment par un chercheur de l'École polytechnique de l'Université de Montréal, Pierre Savard, établit un lien entre ces décharges multiples et la mort d'un grand nombre de personnes au Canada et aux États-Unis.

Huit des neuf personnes qui sont mortes après que la GRC eut utilisé le pistolet électrique entre 2001 et 2008 ont reçu deux décharges ou plus, a noté le professeur. Les recherches de M. Savard sur des données américaines ont donné des résultats semblables : sur les 323 cas de décès examinés (toujours entre 2001 et 2008), 73% des victimes avaient reçu plus d'une décharge.

Pourtant, dans les deux pays, les policiers tirent deux décharges ou plus dans environ 60% des cas.

«Ce que ça démontre, c'est que plus un sujet est exposé à un risque de décharges pendant longtemps, plus le risque de décès s'accroît. C'est tout simple», a conclu l'ingénieur biomédical lors d'un entretien avec La Presse. Il devrait publier son étude prochainement.

Plus ou moins restrictif ?

En juin dernier, la GRC a retiré la deuxième phrase de l'article suivant de son Manuel des opérations (celle en italiques) :«L'utilisation répétée ou continue de l'arme à impulsion peut être dangereuse pour le sujet. Ne pas utiliser l'arme à impulsion de façon répétitive ou pendant plus de 15 à 20 secondes à la fois, à moins que les circonstances ne dictent le contraire.»

Il y a quelques semaines, lors d'un témoignage en comité parlementaire, le commissaire Elliott a quand même déclaré que la politique révisée de la GRC «restreint l'utilisation d'armes à impulsions et met précisément en garde les utilisateurs contre les dangers des décharges multiples».

A-t-il maquillé la vérité ? Le commissaire Elliott ainsi que le ministre Peter Van Loan ont affirmé que non, hier. «Le reportage de CBC s'est concentré sur une phrase qui a été enlevée, une phrase qui suggérait que l'application d'un Taser pendant 15 à 20 secondes était appropriée», a dit le ministre.

«Je ne sais pas si c'était approprié... La GRC ne le pensait pas», a-t-il conclu en prenant soin d'ajouter que cet amendement rendait l'article encore plus restrictif.

William Elliott, quant à lui, a écrit dans une lettre envoyée mercredi soir à l'équipe de CBC/Radio-Canada : «Mes déclarations au Comité permanent correspondent tout à fait à la politique.»

Statistiques encourageantes

De son côté, le commissaire aux plaintes du public contre la GRC, Paul Kennedy, s'est dit préoccupé, mais il a préféré attendre de voir les nouveaux programmes de formation avant de se prononcer sur les impacts du changement de politique.

«On me signale que la formation et les scénarios d'entraînement devraient compenser le manque de clarté qui existe présentement dans la politique», a-t-il indiqué.

Par ailleurs, M. Kennedy était porteur de bonnes nouvelles tant pour le public que pour la GRC, hier. Les statistiques démontrent en effet que l'utilisation du pistolet électrique par les agents de la GRC a diminué de 30% en 2008, par rapport à 2007.

Au total, en 2008, le pistolet a été utilisé 1106 fois, comparativement à 1583 fois en 2007. Certaines tendances sont aussi encourageantes, a noté le commissaire. En effet, les policiers ont utilisé l'arme plus souvent à des fins strictement dissuasives : dans près de la moitié des cas en 2008 (49,1%), ils n'ont fait que dégainer l'appareil. Il s'agit d'une nette amélioration par rapport aux 28,3% de l'année précédente.

«Dans l'ensemble, je suis encouragé de constater que l'utilisation du pistolet électrique a diminué et que les membres de la GRC sur le terrain font preuve d'une plus grande retenue quant à son utilisation», a déclaré Paul Kennedy.

Il devrait publier son rapport la semaine prochaine.