Des groupes de défense des droits et libertés demandent un moratoire sur l'adoption des permis de conduire « plus » par les provinces.

Ces permis, comme celui annoncé la semaine dernière par le premier ministre du Québec, Jean Charest, présentent plusieurs risques pour la vie privée de leurs titulaires, ont mis en garde ces groupes lors d'un forum public tenu mardi matin à Ottawa. Ils craignent entre autres que la puce d'identification par radiofréquence, dont ces permis sont munis, permette à des tiers d'intercepter de l'information personnelle à l'insu des titulaires.

Ils ont aussi exprimé leurs réserves face au fait que l'information liée à ces puces, incluant une photo, sera transmise aux autorités américaines chaque fois qu'un détenteur traversera la frontière.

« Le passeport a une image digitalisée, mais elle n'est pas dans une banque de données en ligne qui est accessible aux Américains, pour tout ce que l'on en sait », a expliqué le professeur Andrew Clement, de la Faculté de l'information à l'Université de Toronto.

Selon eux, le risque que de telles informations, une fois entre les mains des Américains, soient utilisées à d'autres fins que la seule identification des voyageurs et qu cela mène à des abus, est bien présent.

La Ligue des droits et libertés, le Conseil des Canadiens et la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles, entre autres, demandent donc aux gouvernements provinciaux et territoriaux de suspendre l'application de ces permis jusqu'à ce que les Parlements se soit exprimé à leur sujet.

« Nous déplorons le fait qu'en confiant aux provinces le rôle d'implanter [les permis de conduire Plus], il n'y a eu aucun débat sérieux sur les préoccupations que soulèvent ces documents », a déclaré Roch Tassé, de la Coalition.

La commissaire adjointe à la vie privée du Canada, Chantal Bernier, qui a donné une conférence, n'est pas allée jusqu'à dire que les provinces avaient aveuglément mis en oeuvre les politiques élaborées par le ministère fédéral de la Sécurité publique.

Selon elle, les provinces semblent même avoir une certaine réticence. « Nous ne voyons pas de grand enthousiasme de la part de certains gouvernement provinciaux », a-t-elle dit.

Elle a donné l'exemple de la Saskatchewan, qui a annoncé lundi qu'elle annulait le projet purement et simplement, craignant qu'il ne soit pas suffisamment en demande et qu'il coûte trop cher à l'État.

« Le Québec se traîne les pieds », a-t-elle aussi noté. Interrogée après la présentation pour savoir ce qu'elle entendait par là, elle a indiqué : « On dit qu'il y avait un retard [dans la mise en oeuvre], ce qui me fait comprendre qu'il y a des considérations administratives qui sont encore à régler ».

Le premier ministre Charest a annoncé le 16 mars que les Québécois pourraient débourser 40 $ à compter du 1er juin pour se munir de ces cartes d'identité, sur une base volontaire.

Le Québec est la première province canadienne à ainsi aller de l'avant avec ces permis de conduire Plus. Un projet pilote est présentement en cours en Colombie-Britannique. L'Ontario en examine la possibilité de près.

Lors du forum, la directrice des politiques à la Commission de l'information et de la vie privée de l'Ontario, Michelle Chibba, a rappelé l'importance pour son organisme que ces puces soient munies d'un dispositif de marche et d'arrêt. Cela permettrait entre autres d'éviter que le contenu des puces ne soit lu à l'insu des titulaires de cartes.

Les puces transmettent un chiffre, qui une fois lu par l'Agence canadienne des services frontaliers, peut être associée aux informations contenues dans ses banques de données.