À peine un an et demi après son arrivée en poste, le PDG du Port de Montréal, Patrice Pelletier, a été congédié, a appris La Presse.

M. Pelletier s'était hissé à la tête de l'Administration portuaire de Montréal en octobre 2007, au terme d'un processus acrimonieux qui avait été le théâtre de pressions politiques venant d'Ottawa, de Montréal et de Québec, du retrait d'une membre du conseil d'administration et d'une poursuite judiciaire.

Les motifs de son départ demeurent nébuleux. Plusieurs sources ont confirmé que la plupart des membres du C.A. lui étaient devenus hostiles. On lui reprocherait entre autres d'afficher une attitude jugée trop hautaine, de manquer de compétence dans la gestion des activités portuaires et de ne pas avoir su gagner la confiance des gens de l'industrie et de ses employés.

Le Port de Montréal a continué cette semaine à nier le congédiement de M. Pelletier. « J'ai fait toutes les vérifications que je pouvais et je n'ai absolument rien trouvé dans le sens que vous m'avez dit », a déclaré lundi soir le directeur des communications du port, Jean-Paul Lejeune.

Même son de cloche du côté du président du conseil d'administration, Marc Bruneau. « Je n'ai pas eu de nouvelles de cela récemment, a-t-il dit. C'est sûr qu'il y a des fois des conflits, mais des conflits, ça se règle... Ce n'est pas la fin du monde. »

Informations contraires

Or, les informations qu'a obtenues La Presse de plusieurs sources dignes de confiance indiquent le contraire.

Ainsi, le conseil d'administration se serait réuni à au moins deux reprises au cours des dernières semaines, sans convoquer ni aviser M. Pelletier, afin de discuter de son avenir.

La décision de le mettre à la porte lui aurait été annoncée vendredi en fin d'après-midi par M. Bruneau et un des membres du C.A., Michel Lessard.

Par ailleurs, on a appris tout juste avant de mettre sous presse que le conseil d'administration s'est réuni en fin d'après-midi mardi. Il a publié un communiqué de presse en soirée pour annoncer le départ de Patrice Pelletier.

Pressions politiques

Ingénieur de formation, M.Pelletier a occupé plusieurs postes de direction à travers le monde au cours des dernières années, dont au sein de SNC-Lavallin. Avant de succéder à Dominic Taddeo, il était président de la compagnie L-3 Communications SPAR Aerospace, à Edmonton.

Son départ est pour le moins surprenant. À l'été 2007, le processus de sélection d'un nouveau PDG au port avait été sérieusement éprouvé par les pressions politiques de tous les ordres de gouvernement, qui souhaitaient que l'ancien directeur de la Ville de Montréal, Robert Abdallah, soit choisi par le conseil d'administration.

Or, si certains membres du conseil appuyaient la candidature de M. Abdallah, d'autres, comme la notaire Diane Provost, s'y sont opposés.

Les pressions sont devenues telles que le bureau du premier ministre Stephen Harper a envoyé deux émissaires, dont son attaché de presse et conseiller pour le Québec, Dimitri Soudas (un ancien employé politique du maire de Montréal, Gérald Tremblay), pour signifier la « préférence » d'Ottawa pour la candidature de Robert Abdallah.

Quelques jours avant l'annonce de la nomination de Patrice Pelletier, la Ville de Montréal avait même retiré sa représentante au conseil d'administration, Me Provost, parce qu'elle refusait de rencontrer le président du comité exécutif, Frank Zampino, qui voulait « discuter du profil » du remplaçant de Dominic Taddeo.

Ces pressions ont toutefois été insuffisantes : Patrice Pelletier a tout de même été nommé et Diane Provost, réintégrée dans ses fonctions par un juge de la Cour supérieure de Montréal.

Ottawa laissé à l'écart

Depuis le début de la semaine, un véritable branle-bas-de-combat agite donc les cercles politiques et d'affaires à Montréal - et même le port -, pour tenter de voir clair dans cette situation embrouillée.

Le nouveau PDG a-t-il été victime de l'onde de choc créée par la crise de l'été 2007? Certains jugent que oui : tous les membres du conseil d'administration qui avaient appuyé la candidature de Robert Abdallah sont toujours en poste, et Ottawa a eu le temps de nommer une nouvelle membre : l'avocate Anik Trudel.

De plus, cette décision ne peut s'expliquer par les résultats financiers du port : M. Pelletier a déclaré sur plusieurs tribunes au cours des derniers mois que l'année 2008 avait été excellente et que la crise n'affecterait pas son plan d'expansion de 2,3 milliards $ sur 20 ans.

Il a été impossible de parler au principal intéressé : son assistante nous a indiqué hier qu'il n'était pas au bureau.