Molson voulait une campagne sexy, elle a plutôt hérité de la palme de la campagne sexiste en 2008.

Avec son «calendrier des plus belles filles de l'est du Québec», retiré après une dizaine de jours de controverse en juillet 2008, l'entreprise a fait l'objet de 151 plaintes sur les 221 soumises au Conseil d'éthique de l'industrie québécoise des boissons alcooliques.«On a jugé que c'était excessif, contraire au code, ça allait trop loin, explique Claude Béland, président du Conseil, qui présentait son deuxième rapport annuel hier matin. Ça se sert de corps de femmes pour vendre des produits alcooliques. Les filles n'étaient pas tellement habillées, enfin... c'était variable. Il y a quand même 12 mois dans l'année!»

Conçu par une petite firme de marketing de Québec, Distributions ProStaff, et commandité par Molson, le calendrier 2008 a été imprimé à moins de 5000 exemplaires. Il en était rendu à sa quatrième édition et se vendait dans quelque 150 dépanneurs, surtout dans le Bas-du-Fleuve et en Gaspésie. Dans un cas qui a alimenté la controverse, à Matane, le commerçant a décidé d'écouler ses calendriers 2008 en les donnant à l'achat d'une caisse de bière.

Les 12 filles en photos étaient très légèrement vêtues, dans des poses typiques de ce genre de produits. Ses détracteurs y ont vu une forme de pornographie «soft». La campagne la plus virulente contre cette promotion a été lancée à Rimouski et a été relayée dans tout le Québec par les centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS).

«Je respecte beaucoup les CALACS mais ils se sont trompés de cibles: il n'y avait rien de pornographique, tout était caché», plaide Sébastien Noël, vice-président de Distributions ProStaff. La petite entreprise a décidé de ne pas renouveler avec un autre partenaire ce projet controversé.

Chez Molson, on se défend bien de jouer la carte sexiste pour plaire à un certain public. «Après les plaintes, nous avons entrepris une démarche de réflexion avec le promoteur et on a retiré ce produit promotionnel en une dizaine de jours, explique Marieke Tremblay, vice-présidente aux affaires corporatives. C'est la preuve que nous sommes à l'écoute de nos consommateurs, que nous sommes responsables.»

En juillet dernier, le conseil d'éthique, un organisme d'autoréglementation mis sur pied en 2006 par l'industrie de l'alcool pour surveiller l'application d'un code d'éthique, a envoyé une lettre à Molson exposant son inquiétude. «On ne blâme pas directement les brasseries, explique M. Béland. Le seul moyen dont on dispose, c'est le code d'éthique. C'est comme le Conseil de presse, on ne rend pas de jugement exécutoire.»

Fait à noter, ceux qui font l'objet du plus de plaintes, les grands brasseurs, n'ont pas adhéré au code d'éthique. Molson-Coors (165 plaintes), Labatt-Budweiser (4) et les brasseries en général (7) représentent 83% du total des plaintes provenant de personnes ou d'organismes.

Parmi les autres motifs de plaintes, on a relevé la publicité télévisée sur le Manoir Coors Light, la campagne Hôtesses de l'air - Super Bowl de Budweiser, et des promotions encourageant la consommation excessive dans des bars. Selon un membre du conseil, la criminologue Marie-Andrée Bertrand, ce dernier motif de plainte a pris de l'ampleur depuis le premier rapport.

«Est-ce qu'il faut encore promouvoir l'alcool dans notre culture? Les gens disent qu'on est constamment entourés, des Québécois se disent: «Est-ce qu'il n'y a pas trop de promotion à consommer de l'alcool?»

Six plaintes de citoyens visaient d'ailleurs la Société des alcools du Québec et ses promotions qui encourageraient la consommation. Le Conseil, avoue son président, n'a pas encore pris de décision à ce sujet. «Si vous achetez trois bouteilles de la même sorte et qu'on vous en donne une quatrième, est-ce que ça incite à la consommation? On n'a pas rendu de jugement là-dessus. On est plus en questionnement.»