L'Institut du chrysotile, qui défend l'industrie québécoise de l'amiante, a décidé de retirer sa plainte en diffamation contre deux militants français qui l'avaient décrit comme un « organe très actif de propagande et de corruption». Dans une lettre transmise au début de la semaine au président du tribunal, l'avocat mandaté par l'Institut a indiqué que l'organisation ne souhaitait plus se constituer partie civile dans ce dossier. Cela a pour effet de mettre fin au processus. « La défense cherche manifestement à instrumentaliser l'audience à des fins étrangères à l'action engagée de manière à instruire publiquement le procès de l'amiante en entretenant une confusion délibérée entre son utilisation passée et présente», explique-t-il.

L'avocat ajoute que les miliants mis en cause souhaitaient convoquer à la barre une longue liste de témoins et produire de nombreuses pièces « sans rapport» pour alimenter une «parodie de débat « sur l'usage du chrysotile, une forme d'amiante que l'Institut juge moins nocive. Le député néo-démocrate Pat Martin, qui milite activement pour une interdiction totale de l'amiante sous toutes ses formes au Canada, figurait dans la liste, de même que plusieurs experts en santé publique.

 

L'affaire avait débuté en 2007 après que l'Institut eut mis en demeure Marc Hindry et François Desriaux, deux dirigeants de l'Association nationale de défense des victimes de l'amiante (ANDEVA), de retirer les accusations de «propagande» et de «corruption» relayées sur le site internet de l'organisation. Faute de voir reti rer ces propos «inacceptables»et «sans fondement», la direction de l'institut québécois avait ensuite porté plainte en justice et intenté une poursuite pénale en diffamation qui avait mené l'été dernier à la convocation des deux hommes par un juge d'instruction. «Ils ont parfaitement le droit d'être en désaccord avec nos positions, mais ils n'ont pas le droit d'utiliser des propos diffamatoires», avait expliqué le président de l'Institut, Clément Godbout, qui niait du même souffle toute «tentative d'intimidation» à leur encontre. M. Hindry, qui est professeur de mathématiques à l'université Jussieu, un établissement où plusieurs employés ont été affectés par l'exposition à l'amiante, estime que l'Institut a paniqué en voyant approcher le début du procès.

«Je pense qu'ils se sont rendu compte que le processus allait être très médiatisé et qu'ils ont eu peur de perdre à la fois le procès et la bataille médiatique. Il était clair que les médias français n'allaient pas dire du bien d'eux», a-t-il indiqué hier. Le militant a indiqué qu'il était «presque déçu» de la tournure des événements puisque le procès aurait effectivement offert, selon lui, une belle tribune aux groupes qui dénoncent l'utilisation du chrysotile. La France interdit l'usage de l'amiante sous toutes ses formes depuis une dizaine d'années. Le Canada avait tenté en vain de faire lever cette décision. Depuis, des milliers de travailleurs français ont reçu des compensations financières pour les préjudices causés par leur exposition à différentes formes d'amiante, y compris le chrysotile.

Plusieurs entreprises sont poursuivies pour négligence devant les tribunaux. L'Institut du chrysotile affirme qu'il est possible aujourd'hui d'utiliser le chrysotile de manière «sécuritaire» et que les groupes qui affirment le contraire se basent sur des études tronquées ou tendancieuses. Dans un récent bulletin, l'organisation se réjouit que les pays membres de la convention de Rotterdam sur le commerce de produits dangereux aient refusé d'inclure le chrysotile sur une liste de matières faisant l'objet de règles d'exportation plus sévères. Les groupes anti-amiante comme ANDEVA maintiennent pour leur part que c'est plutôt l'Institut qui fausse les recherches scientifiques pour défendre l'utilisation du chrysotile et, du même coup, les exportations québécoises. L'Institut du chrysotile n'a pas rappelé La Presse hier.