Lorsqu'il était en troisième secondaire, le monde de Jean-François Parent a explosé. Sa copine est devenue enceinte. Il avait 15 ans. Elle aussi. Pas question de se faire avorter. Le raz-de-marée extrême.

Pourtant, leur vie s'annonçait belle, presque banale. Des ados ordinaires qui vont à l'école, ont des amis et de bons parents.

 

Autour du couple, c'est l'état d'alerte. Les parents s'inquiètent des finances de leurs ados, voient leur avenir d'un oeil sombre. Les futurs parents tentent de les rassurer.

«Je ne pensais pas que c'était si dramatique. À 15 ans, c'est difficile de savoir dans quoi on s'embarque», reconnaît Jean-François.

La petite Valérie (nom fictif) naît et est chouchoutée par la famille. Le jeune couple éclate malgré tout. «On a vécu ensemble à 16 ans, mais ce n'était pas un contrat de vie commune.» Comme sa copine, Jean-François quitte l'école avec en poche son diplôme de troisième secondaire. Il s'accroche à de petits boulots: serveur, courrier à vélo, manutentionnaire. La mère vit d'aide sociale.

Durant la petite enfance de Valérie, il les voit sporadiquement. «J'ai voyagé, fait mon cégep en cours du soir, mon bac...» Mais à 9 ans, la petite atterrit chez lui. En permanence. Second choc.

Le regard dérangeant de la société

Sa nouvelle vie de famille l'enchante, mais le regard de la société le dérange. «Un gars de 24 ans qui s'occupe de sa fille, ça étonne!»

Au CLSC, quand il veut obtenir les résultats d'examens médicaux de Valérie, on lui fait comprendre que «c'est la mère, d'habitude, qui s'occupe de ça». Au service de garde de l'école, on hésite à lui remettre sa fille.

Était-ce son visage de jeunot qui déstabilisait les gens? L'étonnement de voir un père s'occuper seul de sa fille?

À l'adolescence de Valérie, nouveau choc. Elle vit à 400 à l'heure. Conflits, discussions, re-conflits, re-discussions. La crise est intense. À 18 ans, elle claque la porte pour emménager avec son copain. Un an plus tard, elle accouche d'une petite fille. Un souhait qu'elle caressait depuis longtemps.

Depuis, père et fille ont renoué. Tout doucement. Les années ingrates ont laissé des cicatrices. Ils se parlent chaque semaine. Jean-François, qui a 37 ans et qui a réussi sa vie professionnelle, visait les mêmes sommets pour sa fille. Peut-être pour ne pas laisser transparaître qu'il n'était pas à la hauteur de ce contrat à vie.