Les restaurants de la province sont frappés de plein fouet par la crise. L'année dernière, 336 établissements ont fait faillite. C'est une augmentation de 22% des cas de faillite par rapport à l'année précédente.

Déjà, 2007 n'avait pas été la meilleure année en restauration et plusieurs propriétaires avait mis la clé sous la porte. «Le ralentissement était déjà commencé», précise François Meunier, vice-président aux affaires publiques et gouvernementales de l'Association des restaurateurs du Québec. «Il fallait s'y attendre: pas une journée ne passe sans qu'on annonce des mises à pied», poursuit-il.

Ce qui fait le plus mal? La communauté d'affaires qui réduit la fréquence des repas au restaurant. «Si une compagnie invitait ses collaborateurs au restaurant pour une réunion et que, maintenant, elle fait la même réunion par téléconférence, ça fait une différence pour nous», dit-il. De même, de nombreux cadres ont reçu la consigne de limiter les dîners d'affaires, et les rencontres en après-midi se sont multipliées. Autant d'additions perdues pour les restaurateurs.

«On voit une énorme différence», confirme le chef Jérôme Ferrer, propriétaire de trois restaurants à Montréal, tous très liés au monde des affaires. À Europea, l'un de ses établissements, situé en plein centre-ville, les déjeuners d'affaires ont diminué du quart. À l'inverse, sa sandwicherie du Vieux-Montréal fait des boîtes à lunch comme jamais. Son observation confirme les dernières données des restaurateurs. Les gens mangent toujours à l'extérieur, mais ils changent de catégorie de restaurants. Les comptoirs se tirent mieux d'affaire que les grandes tables, en général.

Car malgré les fermetures de restaurants et de tristes perspectives économiques, l'année 2008 n'a pas été si mauvaise pour les restaurateurs du Québec, dans leur ensemble. Leur chiffre d'affaires a connu une croissance globale de 4%. La hausse est plus marquée dans la catégorie d'établissements «à service restreint», c'est-à-dire les restaurants de service rapide où il faut commander son repas au comptoir.

«Ça correspond à ce qui se passe aux États-Unis, explique François Meunier. Il y a un certain déplacement vers les restaurants plus abordables. La restauration avec service restreint a des factures moyennes moins élevées. McDonald's a de très bons résultats financiers ces temps-ci.»

La situation est tout de même moins catastrophique qu'au milieu des années 90, lorsque l'apparition de la TPS, conjuguée à un ralentissement, avait vidé les restaurants, rappelle-t-il. Au plus fort de la crise, en 1996, 900 restaurants avaient fait faillite au Québec. «Je ne pense pas que nous irons aussi loin cette fois», dit François Meunier.

L'Association se prépare néanmoins à passer deux années difficiles. Les établissements qui ont les reins solides passeront à travers la tempête. Mais pour plusieurs restaurants, la marge de manoeuvre est très mince, indique M. Meunier, qui croit que les meilleurs gestionnaires arriveront à s'en sortir. Et parfois même à bien s'en tirer.

Le taux de survie, en restauration, est faible. Sur 100 établissements qui ouvrent leurs portes aujourd'hui, il en restera 15 dans neuf ans.

Les restaurants s'adaptent

Une étude du groupe de recherche NPD confirme aussi que les restaurants haut de gamme sont les plus durement touchés par la crise. L'automne dernier, ils ont eu moins de clients qu'à l'habitude. Et ceux qui continuent de fréquenter les grandes tables ont désormais tendance à préférer le potage au foie gras. Résultat: des notes moins élevées et un recul de 15% des revenus des grands restaurants du pays.

Au Brontë, rue Sherbrooke Ouest, Antonio Bruzzese confirme que la crise change complètement la donne. «Les gens sont devenus très craintifs», dit-il. Mais plutôt que de rester les bras croisés à attendre la fin de la tempête, l'établissement a ajouté un nouveau menu dégustation, qui comprend moins de services. Le client peut s'en tirer avec une note moins élevée, sans bouder le plaisir de la sortie.

Jérôme Ferrer ouvre désormais les portes de son bistro Beaver Hall la fin de semaine. Le restaurant, qui se consacrait uniquement aux lunchs de semaine, propose une cuisine de brasserie. Ferrer fait d'une pierre deux coups : il permet à sa clientèle qui réduit les sorties haut de gamme de ne pas se priver de sortir et il fait travailler ses équipes qui sont inévitablement moins occupées les midis de semaine.

«C'est particulièrement difficile à Montréal, car le marché est extrêmement concurrentiel et le ratio de population par restaurant est très bas», précise François Meunier. Il y a un restaurant pour 300 habitants dans la métropole. La moyenne québécoise est de 420. Cela n'est pas périlleux en soi, mais cela le devient quand les gens limitent leurs sorties, explique François Meunier.

Et contrairement à la croyance populaire, les Québécois ne sont pas les plus fidèles à la sortie au resto. Une famille québécoise moyenne dépense un peu plus de 1600$ par année au restaurant, révèle Statistique Canada. C'est moins que la moyenne canadienne. En contrepartie, les Québécois dépensent plus pour leur épicerie. Une tendance qui ne devrait que s'accentuer dans les prochains mois.

On comprend maintenant pourquoi les restaurateurs tiennent tant à leur clientèle d'affaires et au tourisme. «En plus, la perte du Grand Prix va paraître pour les restaurateurs», ajoute François Meunier.