Une agence britannique spécialisée dans les tours historiques vient d'annuler un voyage organisé au Québec. Le point culminant de cette virée de huit jours, prévue l'été prochain, aurait été la reconstitution sur les plaines d'Abraham de «l'attaque audacieuse et brillante» du général Wolfe pour défaire les troupes de Montcalm et «ouvrir la voie à la chute du Canada français».

Le voyage «Québec 1759», offert par Holts Tours, «a été annulé en raison d'un manque de demandes au Royaume-Uni», a soutenu hier le directeur de l'agence, Paul Adams. Bien au fait de la controverse entourant l'événement, M. Adams affirme toutefois que l'annulation du voyage n'a rien à voir avec cela, mais plutôt avec la récession qui frappe durement son pays.

 

Mardi, le directeur du journal Le Québécois, Patrick Bourgeois, avait vu dans ce tour organisé une autre preuve que le gouvernement fédéral tentait de faire de l'événement «un vaste leurre à touristes». Il avait écrit sur son site internet: «Le Réseau de Résistance du Québécois promet à ces touristes un voyage qu'ils n'oublieront pas de sitôt!»

Ce souverainiste convaincu a précisé hier que son groupe prévoyait une «grosse manifestation» et le recours à la désobéissance civile afin de perturber l'événement. «Si personne ne plie, ça va frapper sur les plaines d'Abraham», a-t-il dit, évoquant le «samedi de la matraque», une émeute déclenchée par la dernière visite de la reine Élisabeth II à Québec, en 1964.

Ces menaces ne font pas peur au baron Georges Savarin de Marestan, un descendant de Louis-Joseph de Montcalm qui fera le voyage de France, à l'été, pour personnifier le malheureux général des armées françaises sur les plaines d'Abraham. «Ce n'est pas ça qui me fera reculer.» Toute cette histoire, dit-il, n'est qu'un malentendu. «Il faut voir (la reconstitution) comme un hommage rendu à ceux qui sont tombés pendant cette guerre, et qui ont permis qu'aujourd'hui au Québec, on puisse encore parler français.»

Fonctionnaire à la retraite, le baron de Marestan personnifie son illustre ancêtre sur tous les champs de bataille depuis une vingtaine d'années. Il fait partie d'une communauté de mordus qui voyagent autour du monde, à leurs frais, dans le seul but de participer à des reconstitutions historiques. Pour eux, la bataille des plaines d'Abraham est un incontournable. Pas moins de 2100 passionnés sont déjà inscrits pour prendre part à la reconstitution du 1er août.

«Il y a un engouement énorme, on a des demandes des États-Unis, d'Angleterre, de France et même de République tchèque. Il s'agit de la plus grosse bataille de la guerre de Sept Ans, le point culminant du conflit. Ces gens veulent absolument y participer», explique Stéphane Poirier, membre du Corps historique du Québec, l'organisme responsable de la reconstitution.

Sur les Plaines, l'été prochain, M. Poirier personnifiera un soldat anglais. Rien à voir avec ses opinions politiques - plutôt avec une fascination d'enfance pour les traditions militaires britanniques. «Pour nous, l'important, c'est la reconstitution historique. Quand on est dedans, notre point de vue politique du XXIe siècle reste de côté.» Sa femme et ses trois enfants prendront part à l'événement. «C'est un hobby très familial, très social. C'est tout sauf politique», soutient M. Poirier.

Cet employé de Bell Mobilité ne craint pas pour sa sécurité, ni celle de sa famille. «Je n'irai pas me promener sur la Grande Allée avec mon habit de grenadier britannique. Ça pourrait être vu comme une provocation. Mais au camp, cela ne me fait pas vraiment peur. Je pense qu'il y aura un dispositif de sécurité adéquat.» Selon lui, la Commission des champs de bataille nationaux a déjà entamé des discussions avec la police de Québec pour renforcer la sécurité autour de l'événement.

Le responsable de la reconstitution, Horst Dresler, affirme que jusqu'à maintenant, seule une famille - américaine - a annulé sa participation en raison des risques de débordements. M. Poirier ajoute cependant que plusieurs inscrits «attendent de voir ce qui va se passer au cours des prochaines semaines avant d'acheter leurs billets d'avion».