Le gouvernement Harper s'en tient aux conclusions de la commission d'enquête présidée par le juge Dennis O'Connor qui a disculpé en 2007 Maher Arar d'avoir entretenu des liens avec le réseau Al-Qaeda.

Maher Arar est ce Canadien d'origine syrienne toujours soupçonné par les autorités américaines d'avoir eu des liens avec le réseau terroriste Al-Qaeda. En septembre 2002, M. Arar, ingénieur de formation, a même été arrêté à New York par les autorités américaines et a été expulsé en Syrie, où il a été emprisonné et torturé pendant près

 

d'un an avant d'être relâché. M. Arar a toujours nié avec véhémence avoir séjourné dans un camp terroriste d'Al-Qaeda.

Au début des audiences préliminaires au procès d'Omar Khadr, à Guantánamo, lundi, un agent du FBI, Robert Fuller, a affirmé que le jeune Canadien avait identifié Maher Arar à partir de photographies qui avaient été soumises par ses interrogateurs plusieurs mois après avoir été capturé en Afghanistan en juillet 2002.

L'agent du FBI a déclaré que M. Khadr avait réussi à identifier Maher Arar par son nom même si les deux hommes ne s'étaient jamais rencontrés au Canada. Durant les audiences d'hier, le même agent a précisé que ça avait pris quelques minutes au jeune prisonnier pour identifier l'ingénieur en informatique, durant l'interrogatoire qui a eu lieu à la prison militaire américaine de Bagram, en Afghanistan.

L'avocat qui défend Omar Khadr devant la commission militaire où se tient son procès, le lieutenantcommandant William Kuebler, a indiqué qu'il s'agissait d'une étrange coïncidence» que ce témoignage ait eu lieu la veille du renvoi de Maher Arar dans une prison syrienne, où il a été torturé. Il a ajouté que c'est la peur qui avait poussé son client à livrer un tel témoignage. «Vous avez ici un garçon de 15 ans qui dirait qu'il a tué John F. Kennedy parce qu'il croit que c'est ce qu'il doit dire pour éviter les abus, a dit hier l'avocat militaire américain à CTV. Le jeune est intelligent et il a dit ce qu'ils voulaient entendre.»

Ottawa ne bronche pas

Hier, le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, a soutenu qu'une commission d'enquête avait été créée pour faire toute la lumière sur ce qui était arrivéàMaher Arar et elle a conclu que ce dernier n'avait pas de lien avec un réseau terroriste. «Nous avons demandé au juge O'Connor de faire la lumière sur l'ensemble des allégations qui avaient été faites à l'endroit de cette personne. Il a fait un travail de fond. Il a présenté un rapport que nous avons accepté et les recommandations qu'il avait formulées. Nous avons donc agi en fonction du rapport», a dit M. Cannon hier. La commission O'Connor a blanchi M. Arar de tout lien avec une organisation terroriste. Dans son rapport final, le juge a conclu que la GRC avait fourni aux autorités américaines des informations erronées au sujet de M. Arar avant qu'il ne soit expulsé. À la suite de ce rapport, le gouvernement

Harper a offert des excuses publiques à M. Arar et lui a versé une somme de 10,5 millions en guise de compensation financière en janvier 2007.

Doutes et colère

Omar Khadr n'avait toujours pas réagi à ces dernières allégations, en fin de journée, hier. Mais la nouvelle a été accueillie avec colère par son ancienne porteparole, Kerry Pither. «Dans ce qui semble être un dernier effort pour donner une utilité aux procès de Guantánamo qui vont presque assurément cesser dans les premiers jours de la présidence d'Obama, et dans une tentative apparemment désespérée pour détourner l'attention, ou d'une quelconque manière justifier, le legs honteux de torture et d'absence de loi qui a miné la crédibilité des agences de sécurité américaines et canadiennes depuis le 11 septembre 2001, le FBI a lancé une nouvelle attaque gratuite envers la réputation de Maher Arar», a écrit sur son site internet hier l'auteure de Dark Days Quatre Canadiens torturés au nom de la lutte au terrorisme. Le député du Bloc québécois Serge Ménard reste perplexe.

«Il y a vraiment très peu d'éléments pour nous convaincre de la fiabilité de cette déclaration», a dit l'ancien avocat criminaliste, après avoir pris soin de préciser qu'il était difficile de juger de la crédibilité d'un témoignage fait à des milliers de kilomètres d'Ottawa. Hilary Homes, qui s'occupe des dossiers Khadr et Arar à la section canadienne anglaise d'Amnistie internationale, a, quant à elle, dit douter du fait que cette preuve brandie par le FBI soit vraiment nouvelle. « Stockwell Day (l'ancien ministre canadien de la Sécurité publique) a consulté le dossier américain sur Maher Arar et a conclu qu'il n'y avait rien dedans qui contredisait les conclusions de la commission

et qui justifiaient le fait qu'il demeure sur la no-fly list «, a-telle rappelé. «Cette information, qui semble être nouvelle et qui émerge maintenant de Guantanamo, je serais très surprise si elle n'était pas dans les dossiers qu'a consultés Stockwell Day. C'est de l'information de 2002...