Tapi dans le sous-sol d'une église du quartier Pointe-Saint-Charles depuis trois ans et 18 jours, le réfugié algérien Abdelkader Belaouni garde encore espoir de pouvoir enfin marcher dans les rues de Montréal quand bon lui semblera, avec qui il voudra. En homme libre.

Pour la première fois depuis des semaines, il a osé franchir la porte de son repaire pour participer à une petite manifestation organisée pour souligner le troisième anniversaire de sa réclusion et demander au nouveau ministre de l'Immigration, Jason Kenney, de régulariser sa situation.

 

«Je parle trois langues, j'ai un travail bien payé qui m'attend, je fais du bénévolat, je suis bien intégré dans la société. Si le ministre daignait regarder mon dossier, il m'accepterait en moins de cinq minutes», soutient-il.

Abdelkader Belaouni parle avec le sourire aux lèvres, bien que les bonnes nouvelles soient rares. «Je vous mentirais si je vous disais qu'il y a des développements positifs. Mais je sens que je serai bientôt libre. Je le sais, car je le mérite.»

Diabétique et aveugle, Abdelkader Belaouni affirme qu'il a dû fuir l'Algérie pour ne pas avoir à collaborer avec des groupes armés impliqués dans la guerre civile à la fin des années 90. Il est arrivé au Canada en 2003 après avoir passé six ans aux États-Unis. Sa demande de statut de réfugié a été rejetée en janvier 2004 et ses recours sont désormais épuisés. Il ne lui reste qu'un espoir: que le ministre de l'Immigration du Canada utilise son pouvoir discrétionnaire pour lui accorder le statut de réfugié permanent, ce qu'on lui a refusé à plus d'une reprise.

Appui du Bloc

Le porte-parole du Bloc québécois en matière de citoyenneté et d'immigration, Thierry St-Cyr, a profité de la manifestation d'hier pour réclamer la mise sur pied d'une procédure d'appel pour les réfugiés qui permettrait de casser les décisions rendues par les tribunaux de première instance. «La situation d'Abdelkader serait déjà réglée si l'appel était permis.»

Un projet de loi en ce sens avait déjà franchi la deuxième lecture avant la dissolution de la Chambre pour la tenue des élections générales. Thierry St-Cyr promet de le ramener devant la Chambre à la reprise des travaux.

En attendant, les jours se suivent et se ressemblent pour «Kader», comme l'appellent simplement ses supporters, qui ont participé nombreux, hier, à la manifestation. Abdelkader Belaouni fait de la musique - il a déjà enregistré un album et prépare le deuxième - et donne gratuitement des cours d'arabe à des résidants du quartier. Parfois, aussi, il s'entraîne un peu. «Il faut bien que je me prépare à sortir, car oui, je sortirai un jour d'ici.»