En raison des conditions de circulation dantesques qui sévissent depuis des mois dans l'île de Montréal, les grandes entreprises de camionnage du Québec envisagent d'imposer une surprime à leurs clients pour y ramasser ou livrer des marchandises.

Selon l'Association du camionnage du Québec, qui regroupe les plus importantes entreprises de transport routier de la province, les retards causés par les embouteillages, les chantiers, les ponts fermés ou la congestion générale des routes et des rues de Montréal pourraient faire perdre jusqu'à 275 millions de dollars par année à l'industrie en salaires et en carburant consommé en pure perte. Une moyenne d'environ 750 000$ par jour.

Quant à l'impact environnemental de ces milliers de camions immobilisés, dont les moteurs brûlent quelque 3,76 litres de gazole à l'heure au ralenti, il pourrait s'élever à 50 000 tonnes de gaz à effet de serre (GES) par année, uniquement en raison des conditions de circulation.

En marge du conseil d'administration de l'ACQ, la semaine dernière à Mont-Tremblant, le président, Marc Cadieux, a affirmé que les gains économiques et environnementaux réalisés depuis quelques années grâce à des programmes de réduction de la consommation de carburant ont été anéantis en quelques mois dans la congestion routière.

«C'est pire que jamais, déclare M. Cadieux. Quand ce n'est pas une autoroute qui est en chantier, c'est un pont qui ferme, une conduite d'eau qu'il faut remplacer, des travaux à tous les coins de rue. C'est l'enfer pour tout le monde. Mais pour le transport routier, cela s'ajoute à l'augmentation du prix du gazole, aux achats de nouveaux moteurs à émissions réduites, qui coûtent 10 000$ de plus que les moteurs ordinaires, et au ralentissement économique, qui fait très mal. Il y a des gens en colère dans cette industrie.»

L'ACQ est l'association de transporteurs routiers la plus importante de la province. Elle compte près de 1000 membres, dont les chiffres d'affaires combinés, estimés à 2,5 milliards, représentent environ 80% des activités de l'industrie du camionnage pour le compte d'autrui, au Québec.

Malgré ces heures sombres, M. Cadieux a tenu à relativiser la possibilité d'une «surprime aux embouteillages». «À notre connaissance, le seul endroit où une telle surprime existe, en Amérique du Nord, c'est dans l'île de Manhattan, à New York, explique M. Cadieux. Dans Manhattan, il est devenu tellement difficile de circuler et les camions perdent tellement de temps que les entreprises de camionnage n'ont pas eu le choix d'ajuster leurs prix en conséquence de leurs coûts. Quand je demande aux membres de l'association si la situation de Montréal peut se comparer à ça, ils me disent que ça commence à y ressembler.»

Des pertes énormes

Les pertes de l'industrie ont été estimées récemment à la faveur de recherches menées par le conseiller en affaires économiques et fiscales de l'ACQ, Frédérik François, lors de la préparation d'un dossier de revendications fiscales qui sera bientôt soumis au gouvernement du Québec.

«D'une façon générale, explique-t-il, les transporteurs que j'ai interviewés ont indiqué que leur productivité a chuté de 10%, sur la base des opérations locales de ramassage et de livraison dans l'île de Montréal, en 2008. On observe une augmentation moyenne de 45 minutes dans le temps quotidien alloué aux déplacements par chauffeur et par véhicule.»

Pour les milliers d'automobilistes qui ont dû patienter jusqu'à deux heures, vendredi dernier, juste pour franchir le pont Champlain, qui avait été mal déneigé, des délais de 45 minutes peuvent sembler fort modestes.

M. François précise toutefois qu'ils s'ajoutent à la congestion chronique aux abords des 15 ponts de l'île de Montréal.

Or, si l'on considère qu'environ 25 000 camions circulent chaque jour dans l'île et qu'un camion de 15 tonnes consomme 3,76 litres à l'heure au ralenti, produisant des émissions moyennes de 2,76 kg de GES par litre de gazole, «on peut calculer sur une année des chiffres mirobolants de 50 000 tonnes de GES, pour des pertes de 275 millions de dollars».

La dernière étude exhaustive sur les coûts de la congestion routière à Montréal faisait état de pertes de près d'un milliard de dollars par année pour l'ensemble des usagers de la route. Elle date toutefois de 2003, et elle utilisait des données de circulation qui remontent à 1998. Sa mise à jour, achevée l'automne dernier, est en voie de validation dans les officines de Transports Québec, et pourrait être rendue publique au début de 2009.