La firme d'ingénierie québécoise SNC-Lavalin s'adresse aux tribunaux dans l'espoir d'expulser de son siège social montréalais un locataire un peu trop encombrant à son goût: le consulat américain.

Le géant du génie-conseil et le gouvernement des États-Unis s'affrontent depuis hier au palais de justice de Montréal.

Au coeur du litige: une faramineuse prime d'assurance antiterrorisme. Depuis des années, SNC-Lavalin refile la totalité de la facture au consulat, puisqu'elle considère que sa seule présence augmente les risques d'attentats contre l'édifice, situé à l'angle du boulevard René-Lévesque et de la rue Saint-Alexandre.

 

Les États-Unis refusent de payer, soulignant que SNC-Lavalin, un ancien fabricant de munitions, n'a pas que des amis dans le monde.

La guerre juridique que se livrent la firme d'ingénierie et le gouvernement américain dure depuis près de cinq ans. C'est une autre conséquence des attentats du 11 septembre 2001. Peu après l'effondrement des tours du World Trade Center, plusieurs assureurs ont retiré les actes terroristes de la couverture offerte par les assurances générales. À l'été 2002, SNC-Lavalin a donc contracté une assurance spéciale contre le terrorisme. Considérant que ce sont les Américains qui seraient visés par un éventuel attentat, la firme a refilé la facture au consulat.

Le gouvernement américain a maugréé mais a fini par payer la note, craignant que son bail ne soit pas renouvelé. Il demande maintenant au tribunal de forcer SNC-Lavalin à lui rembourser 367 000$. Selon lui, c'est la part de la prime d'assurance antiterrorisme dont la firme d'ingénierie aurait dû s'acquitter.

Les États-Unis soutiennent que SNC-Lavalin, qui a longtemps vendu des munitions à des armées de l'OTAN, n'est pas à l'abri d'un éventuel attentat. «SNC représente un risque tout aussi important, sinon plus, dit l'avocat Gilles Brunelle, qui représente les États-Unis en Cour supérieure. Si on voulait lui infliger des dommages, c'est le siège social de Montréal qui serait attaqué.»

La filiale SNC Technologies, qui fabriquait les munitions et des équipements militaires, a été vendue à General Dynamics en 2006. Mais, selon Me Brunelle, SNC-Lavalin «travaille encore pour des armées, entre autres en Afghanistan».

Le consulat américain occupe les deux derniers étages du gratte-ciel de SNC-Lavalin depuis 1990. Au fil des ans, plusieurs manifestations organisées devant le gratte-ciel ont visé le consulat - mais pas toutes, selon Me Brunelle. «SNC-Lavalin a aussi été visé.»

À Montréal, le consulat américain a occupé des bureaux de la rue du Dr Penfield des années 1950 jusqu'en 1976, puis du complexe Desjardins jusqu'à son déménagement au siège social de SNC-Lavalin. Il pourrait bientôt avoir à trouver de nouveaux locaux: invoquant de trop nombreuses mésententes avec son locataire, la firme demande carrément au tribunal d'ordonner son expulsion de l'immeuble.

Les procédures judiciaires se poursuivent jusqu'à la fin de la semaine.