Près d'un millier de manifestants ont bloqué à l'aube les accès au Collège de Valleyfield, ce qui a forcé la direction à annuler la reprise des cours qui avait été décrétée pour aujourd'hui.

La reprise avait été imposée même si les élèves se sont prononcés à 57% en faveur du maintien de la grève lors du dernier vote de reconduction, le 2 avril.

Certains élèves sont arrivés aussitôt que 4h pour s'assurer d'occuper les lieux avant l'arrivée de qui que ce soit dans l'établissement. Au plus fort du blocage, ils étaient près d'un millier d'étudiants provenant de plusieurs régions environnantes, de professeurs contre la hausse et de syndicalistes.

Jeanne Reynolds, une porte-parole de la Coalition large de l'association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE), étudie à ce collège. C'est aussi l'école où a étudié la ministre de l'Éducation Line Beauchamp, le premier cégep à avoir décrété la grève et l'endroit où la CLASSE a été fondée. Il revêt donc un aspect symbolique important.

«Le mandat de grève a été voté démocratiquement. Ce ne sont pas des menaces qui vont nous faire rentrer. Il y a un vote de reconduction le 16 avril. On va rester ici tant que la direction ne décrètera pas la levée des cours jusque-là, comme ils l'ont fait depuis le début», explique Jeanne Reynolds.

Les esprits se sont échauffés vers 7h15 quand une trentaine d'étudiants arborant le carré vert, emblème de ceux qui appuient la hausse des droits de scolarité, se sont présentés sur les lieux.

Ils se sont fait huer copieusement et traiter de «scabs», mais ils n'ont pas bronché.

Le bouillant syndicaliste Marc Laviolette est de ceux qui ont rabroué en des termes lapidaires les étudiants pour la hausse.

«T'es qui toi?», lui a alors lancé un des verts.

«Je suis Marc Laviolette. Ce cégep-là je l'ai occupé quatre fois comme étudiant. Respecte la décision démocratique de tes confères», a-t-il rétorqué.

«Je suis étudiante en technique infirmière. Ce n'est pas que ma session que j'ai peur de perdre, mais mon travail d'été à l'hôpital. C'est très important», a raconté une autre étudiante pour la hausse.

Le petit groupe est épaulé par le Mouvement des étudiants socialement responsables du Québec, qui avait déplacé quelques troupes sur place.

Des parents d'élèves qui souhaitaient voir leur enfant retourner en classe étaient aussi présents, en retrait.

«Pensez-vous que le gouvernement va changer d'idée? On va tous se faire avoir de toute façon», a déploré la mère d'une étudiante en comptabilité.

Certains étudiants pour la hausse ont indiqué qu'ils souhaitaient malgré le blocus traverser la ligne de piquetage, dans le calme. Chose qu'ils n'auront pu faire puisque la direction a annulé les cours pour la journée.

Une demi-victoire pour les grévistes, qui ont tout de même décidé de maintenir le blocus tant et aussi longtemps que la levée des cours ne sera pas prolongée jusqu'à lundi.

«Il y a dans ce cégep une bibliothèque ouverte au public, une salle où doit avoir lieu aujourd'hui un spectacle (de Jean-Michel Anctil), et il s'y donne de la formation continue à laquelle notre directeur Guy Laperrière tient beaucoup et que nous n'avons pas entravée depuis le début. Cette fois, s'il ne recule pas sur la reprise des cours avant le 16 avril, nous allons bloquer tout ça», a lancé à ses confrères Justin Arcand, président de l'association étudiante du collège.

Les jeunes au carré vert ont finalement quitté en groupe, pendant que les rouges eux, les suivaient en scandant «scabs, scabs, scabs», ou «moi, moi, moi».

Les agents de la Sûreté du Québec, eux, observaient la scène, mais ne sont pas intervenus.

En retrait de cette cohue, des groupuscules d'étudiants. Apparemment sur place pour participer au blocage. Mais en y regardant bien, il y avait aussi des débats animés, mais respectueux sur la question des droits de scolarité.

Un groupe d'amies du collège discutait ferme. Trois pro-hausse, trois anti-hausse.

«Moi, je trouve qu'on est au point où cette grève est inutile. Ça fait huit semaines, et le gouvernement n'a pas bougé. Les grévistes ne veulent juste pas aller à l'école», lance Marie-Laurence Proulx, qui n'arbore toutefois pas le carré vert.

«Au contraire, après huit semaines, ce n'est pas le temps d'arrêter. Si on arrêtait maintenant, ça ne servira plus jamais à rien de se battre, pour quoi que ce soit», lui a lancé Jade Légaré en guise de réponse.

«Mais on s'aime quand même. Malgré nos opinions», a conclu Marie-Laurence. Comme quoi il est possible, malgré la hargne entre verts et rouges, de tenir un débat civilisé sur la question.

Photo Ivanoh Demers, La Presse

Les esprits ont commencé à s'échauffer quand un groupe d'étudiants arborant le carré vert se sont présentés sur les lieux.