Au cours des 12 dernières années, 114 détenus ont mis fin à leurs jours dans les pénitenciers fédéraux canadiens, alors que plus de 529 ont tenté de le faire, révèlent des données obtenues en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Si le nombre de suicides a quelque peu diminué dans les prisons au fil des ans, la problématique reste préoccupante en milieu carcéral, où l'on compte un taux de suicide beaucoup plus élevé qu'en dehors des murs.

Le 10 janvier 2012, Daniel Joseph Bruneau a été trouvé mort dans une cellule d'isolement du pénitencier de La Macaza, à Rivière-Rouge, dans les Laurentides. Il venait de se pendre à un anneau de la fenêtre avec ses lacets de chaussures. Bipolaire et déprimé, le quinquagénaire avait menacé plus d'une fois de se tuer ou de tuer d'autres détenus s'il n'était pas transféré dans un pénitencier de l'ouest du pays, où vit sa famille. Par mesure de sécurité, il était enfermé dans sa cellule 23 heures sur 24 et n'avait aucun contact avec les pensionnaires de l'établissement.

L'homme, condamné en 2009 pour homicide involontaire, agression sexuelle et séquestration, est l'un des sept détenus fédéraux à s'être enlevé la vie depuis le début de l'année au Canada, dont quatre au Québec. Il y en a eu 10 au pays en 2008 et 16 en 2001. Très grande il y a 20 ans, la part du Québec dans le nombre total de suicides a diminué. Les suicides dans les pénitenciers fédéraux de la province ne représentent que 24% de ceux du pays pour la période 2000 à 2012, contre 42% de 1991 à 2000.

Tentatives de suicide

En ce qui concerne les tentatives, dans les huit derniers mois, une cinquantaine de condamnés ont échoué à mettre fin à leurs jours, contre plus de 43 en 2008 et au moins 37 en 2001. Comme pour les suicides, le taux est plus élevé que dans la population en général. «Et le nombre de tentatives de suicide en milieu carcéral est généralement sous-estimé, prévient Jean-Claude Bernheim, criminologue et président de l'Office des droits des détenus. La définition de suicide est assez subjective et les employés des services correctionnels la voient de manière beaucoup plus étroite que les médecins.»

Selon lui, les détenus aux prises avec des troubles psychologiques manquent d'aide. «Si les pénitenciers font des efforts pour réduire le nombre de suicides, c'est uniquement pour des questions d'image. Il n'y a pas d'intérêt pour la dimension humaine et les problèmes émotifs. On ne fait que modifier des éléments techniques comme éliminer les poutres et les barreaux auxquels les gens peuvent se pendre.» Si ces modifications ont permis de faire baisser un peu le nombre de suicides, ces événements restent nombreux entre les murs.

Prévention et intervention

Selon l'expert, il faudrait un changement de mentalité bien plus qu'un changement de mesures pour que se résorbe la problématique. «Pour beaucoup de gens, la mort d'un condamné est moins intéressante que celle d'un chien, dit-il. Tant que des personnalités publiques continueront à dire qu'il faut fournir une corde à tous les détenus [comme a dit le sénateur Pierre-Hughes Boisvenu], on n'ira pas loin.»

«Nous prenons très au sérieux chaque suicide de détenu et continuons de déployer des efforts considérables pour renforcer les stratégies de prévention et d'intervention pour tous les délinquants», répond une porte-parole du Service correctionnel du Canada. Elle rappelle que son organisme forme le personnel en prévention et en sensibilisation du suicide ainsi qu'en évaluation des risques.