Quarante ans après l'incendie du café Blue Bird qui avait entraîné dans la mort 37 jeunes anglophones de Montréal, un hommage global sera enfin rendu aux victimes. Des événements auront lieu le 31 août et 1er septembre afin de commémorer la tragédie pour la première fois.

Une messe ainsi qu'une marche organisée par les familles des victimes se dérouleront le vendredi en même temps qu'une exposition sur le triste événement présentée à l'hôtel de ville de Montréal. Une vigile se tiendra le samedi 1er septembre.

Même si le feu du café Blue Bird compte parmi les pires incendies criminels de l'histoire canadienne, il n'avait pas fait grand bruit à l'époque, même dans les médias locaux. Il faut dire qu'il est survenu la veille du début de la fameuse série de hockey entre le Canada et l'URSS.

Le soir du 1er septembre 1972, un vendredi, le Wagon Wheel, un bar country situé juste au-dessus du café Blue Bird sur la rue Union, était rempli d'au moins 200 jeunes gens issus de la classe ouvrière anglophone venus entendre un groupe de musique en vue de passage à Montréal.

Trois hommes ivres à qui le portier avait refusé l'accès ont allumé un feu dans l'escalier qui donnait accès au Wagon Wheel.

Le bar ne possédait pas suffisamment de sorties de secours et la plus accessible avait été verrouillée. Plusieurs des victimes, dont certaines n'avaient que 14 ans, ont péri asphyxiées après avoir inhalé de la fumée, prisonnières des lieux. Parmi les 37 morts, la plupart était encore dans l'adolescence ou la jeune vingtaine. Cinquante-six personnes ont aussi été blessées lors de la conflagration.

Les auteurs du crime, James O'Brien, Jean-Marc Boutin et Gilles Eccles, ont tous été condamnés, les deux premiers pour meurtre au deuxième degré et le troisième pour homicide involontaire. Pour leur défense, ils ont allégué qu'ils étaient soûls et qu'ils ne voulaient qu'effrayer le portier. Ils ont été libérés dix ans plus tard.

Après des années de deuil silencieux, de culpabilité et de traumatisme psychologique, les survivants et les parents des victimes ont été soulagés d'apprendre que leur mémoire serait honorée.

«Il n'y a pas de mots pour exprimer le sentiment des familles, a souligné Maureen Doucette dont l'oncle Val Huntingdon a péri dans l'incendie. Rien n'a été fait au cours des 40 dernières années pour rappeler la mort de ces 37 victimes, mais, j'en remercie le Bon Dieu, ce sera enfin fait.»

Toutefois, ceux qui ont perdu des membres de leur famille ou qui ont réussi à sortir du brasier ont porté longtemps les cicatrices de cette épreuve, bien après que les sentences des coupables eurent été purgées.

Ces malheureuses séquelles ont refait surface lorsque les parents et amis se sont réunis l'année dernière pour la première fois.

«Je ne pense pas que nous réalisons vraiment l'impact que ceci a eu sur les survivants», a déclaré Leona Hutton, qui a perdu sa soeur de 16 ans, Marlene Dery, dans l'incendie. Elle a affirmé que beaucoup des personnes qui avaient réussi à échapper aux flammes étaient toujours perturbées par ce qui s'était produit cette nuit-là.

C'est le cas de David Montgomery, qui était au Wagon Wheel en compagnie de son frère et de sa soeur ce soir-là. Cette dernière, qui avait été grièvement blessée dans l'effondrement de l'une des sorties de secours, a succombé à ses blessures à l'hôpital. Les deux garçons ont survécu, mais pas sans subir de graves traumatismes.

«Je me suis comporté comme un mort-vivant pendant environ un an, s'est souvenu M. Montgomery, qui est sorti du bar en passant par la fenêtre de la toilette des femmes. Je me suis senti très coupable d'avoir eu la chance de survivre au feu et cette culpabilité m'a longtemps suivi.»

À l'époque, les proches des victimes et les survivants avaient projeté de poursuivre la ville et le propriétaire de la bâtisse pour 9 millions $, mais avaient rapidement renoncé à leur projet devant la solide équipe d'avocats embauchés par les défendeurs.

La plupart des familles ont reçu entre 1000 et 3000$ en compensation. Certaines n'ont pas eu le choix d'accepter alors que d'autres ont refusé de toucher à cet argent tâché de sang.

L'incendie du Blue Bird, qui a pris le nom du café parce que l'établissement du rez-de-chaussée était plus connu et avait son nom affiché à l'extérieur du bâtiment, était le plus grave à frapper Montréal depuis 1927, année où 78 enfants avaient péri en regardant un film au théâtre Laurier Palace.

Aujourd'hui, une plaque marque l'endroit où a eu lieu la tragédie du Laurier Palace. Le site du café Blue Bird a été rasé et est maintenant occupé par un stationnement payant où rien ne rappelle le terrible incendie.