Omniprésent sur la Toile, Luka Rocco Magnotta donne l'image d'un être torturé et déviant. Dans un blogue, il fait l'apologie de la nécrophilie et du cannibalisme. Des groupes de défense des droits des animaux l'accusent, vidéos à l'appui, d'être l'auteur de plusieurs meurtres de chatons. Comme si ce n'était pas assez, il a déjà dû se défendre publiquement d'être l'amant de Karla Homolka.

«Les monstres, les démons et les fantômes existent. Ils vivent à l'intérieur de nous et des fois, ils gagnent», écrit l'homme de 29 ans dans une de ses nombreuses pages Facebook. «Je suis naturellement attiré par les morts. Je n'ai pas honte. En 2003, j'ai découvert le corps momifié d'un homme dans une voûte. Je voulais l'amener chez moi», lit-on également dans un texte signé de son nom publié il y a à peine un mois dans un blogue intitulé «Tueur en série nécrophile Luka Magnotta» - à ce moment, il vivait déjà dans l'appartement du quartier Côte-des-Neiges.

Luka Rocco Magnotta a grandi sous le nom d'Eric Clinton Newman en banlieue de Toronto, où vivent toujours plusieurs membres de sa famille. Sa mère, Anna Yourkin, a dit à La Presse ne pas souhaiter commenter les crimes allégués de son fils. Un porte-parole de la police de Peterborough affirme que l'homme a coupé le contact avec ses proches depuis des années.

Selon la Gazette officielle de l'Ontario, c'est en 2006 qu'il est légalement devenu Luka Rocco Magnotta. C'est aussi à cette époque qu'il aurait entrepris une carrière de mannequin et d'acteur dans des films pornographiques gais. Des photos de lui dans des poses provocantes, les lèvres peintes en rouge, sont partout sur l'internet. L'une de celles-ci le montre de profil, le pantalon détaché, tenant la tête d'un chat à la hauteur de ses organes génitaux.

En 2007, des médias à potins ont laissé entendre qu'il était l'amant de Karla Homolka, alors récemment libérée de sa prison de Joliette. Certains allaient jusqu'à dire qu'ils s'étaient mariés. Ces rumeurs ont été vigoureusement niées par Magnotta qui, dans une entrevue accordée au Toronto Sun, a affirmé ne jamais avoir rencontré Mme Homolka. «Je reçois des menaces de mort et je dois prendre des comprimés pour dormir», confiait-il au journaliste, ajoutant qu'il suivait une thérapie à cause de cette histoire.

Visiblement narcissique, Magnotta cumule les blogues, les sites web et les pages personnelles sur les réseaux sociaux. Il laisse planer le doute sur ses activités, sur son identité (il a plusieurs alias) et sur l'endroit où il vit.

Dans un article publié sous son nom, il explique en six étapes comment disparaître et ne jamais être retrouvé. Il suggère de construire son absence graduellement, de changer d'identité et de vendre sa voiture dans une autre province.

Certains renseignements, dont un provenant de sa page Facebook, le placent à San Diego. D'autres en Russie ou en Grande-Bretagne. Mais une chose est sûre, c'est à Montréal qu'il a habité au cours des derniers mois. Le photographe Nicholas Monaco l'a rencontré à New York en 2008, le temps de quelques clichés. Même s'il ne l'a que très peu côtoyé, il en garde un souvenir étrange. «Il m'avait contacté par Craig's List. Il voulait des photos de lui dans la ville, raconte-t-il. Une photo devant le magasin Macy's, une autre dans le métro. Rien de bizarre jusque-là. Mais il m'avait semblé étrange. Il était un peu off et parlait d'une drôle de manière.»

Un an plus tard, une sordide vidéo d'un homme en train de tuer deux chatons en les mettant dans un sac de plastique pour ensuite retirer l'air à l'aide d'un aspirateur faisait surface sur l'internet. Rapidement, Luka Rocco Magnotta a été montré du doigt comme étant «le tueur de chatons à l'aspirateur». L'histoire a fait tout un tabac en Europe, où la police soupçonnait que les crimes avaient été commis.

Des groupes de défense des droits des animaux sont partis en croisade. L'un d'eux, Rescue Inc., a même offert une récompense de 5000$ à quiconque permettrait de le faire arrêter. Un autre groupe, ABProject, a monté tout un dossier sur lui. «Nous avons passé des années à le chercher. Nous le croyons responsable de plusieurs meurtres d'animaux. Toute l'information que nous avons reçue a été transférée aux autorités canadiennes», dit un porte-parole.

Jusqu'à aujourd'hui, personne ne l'avait retracé.