Dans une décision sans précédent, la Cour suprême a accepté hier d'entendre la cause d'une Québécoise qui réclame 250 000$ à l'Église catholique pour avoir été agressée sexuellement par un prêtre.

La victime, S.C., a été agressée par Paul-Henri Lachance, de la paroisse Sacré-Coeur de Québec, entre 1979 et 1981. Elle n'avait que 6 ans au moment des premiers attouchements.

 

En 2006, soit 25 ans plus tard, S.C. s'est décidée à porter plainte. Lachance, aujourd'hui âgé de 79 ans, a été condamné à 18 mois de prison en juin dernier.

Simultanément à ses démarches au criminel, S.C. - dont il est interdit de révéler l'identité - avait engagé un recours au civil. La mère de famille de 36 ans réclame 250 000$ à Lachance et à l'archevêque catholique de Québec pour les torts qui lui ont été causés.

La Cour supérieure avait jugé le recours «irrecevable» au motif que le délai pour porter plainte, de trois ans selon le Code civil, était échu.

Parents très croyants

Pourtant, S.C., affirme avoir tenté de dénoncer la situation beaucoup plus tôt. Dans sa requête, elle allègue s'être confiée à ses parents à l'âge de 8 ans. Ces derniers auraient rencontré l'archevêque, qui leur aurait alors demandé de ne pas ébruiter l'affaire. Très croyants, les parents auraient obtempéré.

S.C. avait porté la cause devant la Cour d'appel, qui avait maintenu le jugement de la Cour supérieure. Il ne restait plus qu'un recours: la Cour suprême. Et hier, la plus haute instance au pays a accepté d'entendre la cause.

Une première

Il s'agit d'une première, selon l'avocat de la victime, Me Alain Arsenault. «À ma connaissance, c'est la première fois que la Cour suprême accepte d'entendre une cause du Québec qui remet en question le délai de prescription pour une affaire d'agression sexuelle», dit-il.

La Cour suprême devrait entendre la cause à l'automne 2010. Elle pourrait alors casser les décisions précédentes et forcer la Cour supérieure à réentendre l'affaire. «Cela constituerait un précédent qui pourrait inciter d'autres victimes à porter plainte», estime Me Arsenault.

France Bédard, fondatrice de l'Association des victimes de prêtres, a salué hier la décision de la Cour suprême. Mme Bédard a été violée à l'âge de 17 ans par un vicaire de Québec, de qui elle a eu un enfant. Elle poursuit aujourd'hui la succession de son agresseur et l'archevêque de Québec.

«Les avocats de l'archevêché de Québec font subir des procédures judiciaires lourdes aux victimes en invoquant ainsi le délai de prescription de trois ans, déplore-t-elle. Disons qu'ils agissent de façon pas très catholique.»