Henri Benoît avait 65 ans et aucun antécédent criminel quand il a tué son amie de coeur d'un coup de feu le jour de la Saint-Valentin, en 1994. Maintenant, à l'aube de ses 82 ans, l'homme remonte le fil de sa vie devant 12 jurés dans l'espoir qu'ils lui permettront de demander une libération conditionnelle hâtive.

Au terme de son procès, en 1994, Henri Benoît avait été déclaré coupable du meurtre prémédité de Claudette Archambault, ce qui lui a valu automatiquement une peine de prison à vie, avec un minimum de 25 ans à purger.

 

Comme la loi l'y autorise après avoir purgé plus de 15 ans de sa peine, M. Benoît demande une révision judiciaire. Malgré son âge et ses graves problèmes de santé, l'homme dit espérer vivre encore quelques années. De préférence à l'air libre. «Je n'ai pas peur de l'avenir. Je n'ai pas peur de mourir, mais de mourir en prison avec tous mes enfants dehors», a expliqué le frêle vieillard hier, laissant entendre que c'est ce qui le désole le plus.

Il faut dire que M. Benoît a eu douze enfants, dont neuf sont toujours vivants. Il a aussi plusieurs petits-enfants et arrière-petits-enfants.

Né en avril 1928, M. Benoît dit avoir été élevé à la dure, mais c'est «comme ça que ça marchait, dans ce temps-là». À 11 ans, il s'est fait embaucher dans la marine marchande. Il a eu trois femmes dans sa vie. Il n'est resté qu'un mois avec la première parce qu'il l'a trouvée au lit avec son père à elle. Il a eu 12 enfants avec la deuxième, puis il a rencontré Claudette Archambault quelques années après s'être séparé de la mère de ses enfants.

Il est resté neuf ans avec la victime, soit de 1985 à 1994. Au moment du crime, ils ne vivaient pas ensemble. Au sujet du meurtre, M. Benoît dit qu'il a «perdu la carte complètement», et en parle comme d'un «accident.» En fait, il s'est rendu à l'appartement de Mme Archambault et l'a abattue d'une balle. Il persiste à dire qu'il s'est rendu chez la victime pour la défendre parce qu'elle lui avait dit peu de temps auparavant qu'elle s'était fait violer par un homme qui se trouvait justement dans son appartement.

Mais «le gars s'est sauvé par en arrière et c'est elle que j'ai pognée», a-t-il dit au jury hier. Il a ajouté: «Je voulais sortir le cochon de chez nous. J'ai été stupide de penser comme j'ai pensé. Je ne peux pas la ramener. Je n'ai plus de femme, ses enfants n'ont plus de mère, et ses petits-enfants n'ont plus de grand-mère. Je vais vivre avec ce fardeau pour le restant de mes jours.»

M. Benoît dit écouler ses jours dans le secteur à sécurité minimum du pénitencier de Sainte-Anne-des-Plaines. Il est le plus âgé, et on l'appelle d'ailleurs «le vieux». Il a fait plusieurs infarctus, subi de multiples interventions chirurgicales, notamment au coeur et dans l'aine. En 1999, un médecin ne lui donnait que quelques mois à vivre!

Il peut se déplace avec une canne sur de très courtes distances, mais, la plupart du temps, il a besoin d'un fauteuil roulant. Cette révision judiciaire, présidée par le juge Jean-François Buffoni, se poursuit aujourd'hui. Le jury est composé de cinq hommes et de sept femmes.