Le juge Fraser Martin, de la Cour supérieure, a refusé net de mettre en liberté provisoire Patrick et Stéphane Lavertue, accusés d'avoir été, avec leur frère Jean, les chefs de file d'un réseau de narcotrafiquants actif dans le sud-ouest de Montréal. Sous la coupe des Hells Angels, le groupe alimentait également en cocaïne d'anciens membres de gangs de rue opérant dans le centre-ville.

Le choc est d'autant plus rude que le juge Martin a rendu sa décision séance tenante. Les prévenus en sont à leur deuxième refus depuis leur arrestation, le 12 février. Pressentant qu'il n'aurait pas gain de cause, Jean Lavertue, 35 ans, s'est désisté de sa requête au moment où l'audience allait commencer mercredi. Décrit comme le patron du clan, l'ancien membre de l'équipe olympique d'haltérophilie du Canada a repris le chemin des cellules, menottes aux poignets et chaînes aux pieds.

 

Bien structuré

Siégeant en appel, le juge Martin, à l'instar de son collègue de première instance, est d'avis qu'on est bien loin d'une petite organisation, comme le supposait la défense. «J'en ai vu des plus grandes, mais celle-ci contrôlait la distribution et la vente de drogue dans des secteurs de la ville», a-t-il noté, en faisant état du savoir-faire des frères Lavertue et de la structure de l'organisation, «qui se compare facilement à celle d'une entreprise légitime», a souligné le juge Martin.

«Jean était comme le président, Patrick le vice-président aux opérations et Stéphane le comptable», a-t-il ajouté.

Sur la base de toutes nouvelles analyses de registres téléphoniques déposées mercredi, le juge Martin a pu encore mieux apprécier la sophistication de l'organisation, qui utilisait des codes numériques pour cacher l'identité des membres du gang et organiser des rendez-vous. La comptabilité était aussi largement codifiée, et surtout fort bien tenue. À en croire le sergent-détective Martin Lambert, qui a témoigné, les Lavertue disposaient d'un fonds de roulement de 256 875$ juste avant d'être arrêtés.

De 400 000$ à 500 000$ par semaine

En général, ils achetaient la cocaïne au kilo et la revendaient à l'once à leurs clients. La drogue transitait par deux caches avant d'atteindre la rue. Ils en écoulaient de 5 à 10 kg par semaine, ce qui leur rapportait de 400 000$ à 500 000$, ont précisé d'autres policiers.

C'est en enquêtant sur les frères Ismael et Emmanuel Zéphir, d'anciens membres de gangs de rue à la solde des Syndicates, responsables d'une bonne partie du trafic de drogue dans le centre-ville, que les policiers ont pu remonter jusqu'aux frères Lavertue. L'ancien haltérophile avait comme couverture un centre de conditionnement physique à Verdun, tandis que Patrick avait une entreprise de construction. Quant à Stéphane, le «comptable», il travaillait pour un fabricant de meubles haut de gamme.