La mère d'Angie Espeche, Denise Armstrong, ne digère pas que le jeune homme qui a tué sa fille en conduisant à plus de 125 km/h dans une zone de 30 à Montréal en décembre dernier puisse rester à la maison tant que sa sentence n'est pas prononcée, ce qui pourrait prendre plusieurs mois encore.

Depuis son arrestation en janvier dernier, le jeune homme - mineur au moment des faits - est assigné à résidence 24 heures sur 24. En septembre, il a reconnu sa culpabilité à des accusations de menaces de mort, de conduite dangereuse causant la mort et de conduite dangereuse causant des blessures. Or, les plaidoiries sur la sentence à imposer, qui ont commencé hier en chambre de la jeunesse à Montréal, se poursuivront seulement dans trois mois, faute de disponibilités communes de la Couronne, de la défense et de la juge Juanita Westmoreland-Traore.

 

«Il n'a jamais fait preuve de remords. Il ne nous a jamais présenté ses excuses pour avoir tué notre fille, notre petite-fille, notre grande soeur, notre meilleure amie, a dit Mme Armstrong, en larmes, à la juge Westmoreland-Traore. Le meurtrier de ma fille a fêté ses 18 ans chez lui, avec sa mère et ses amis, alors que ma fille aura toujours 17 ans. Il doit écoper de la peine maximale pour enfin réfléchir à ce qu'il a fait. Ma famille et moi méritons d'obtenir justice.»

Selon la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents, la peine maximale dont le jeune homme peut écoper pour ses crimes est de trois ans.

Avec beaucoup d'émotions, le père, la mère, la grand-mère, le beau-père ainsi que la meilleure amie d'Angie Espeche ont défilé devant la juge, hier, pour expliquer les conséquences de ces crimes sur leur vie. Ils portaient tous des macarons à l'effigie de la victime.

Tamisha Ferguson, 18 ans, était aussi à bord de la voiture conduite par l'accusé au moment de l'accident qui a coûté la vie à sa meilleure amie le 9 décembre dernier en pleine nuit sur le boulevard Gouin. Le conducteur, muni d'un permis temporaire, circulait bien au-dessus de la vitesse permise lorsqu'il a perdu la maîtrise de son véhicule et a heurté une voiture garée dans une entrée, puis un arbre, pour finir sa course contre un second véhicule garé dans une autre entrée.

Angie Espeche, assise à l'avant, n'a eu aucune chance de s'en sortir. Elle était inconsciente à l'arrivée des secours, prisonnière du véhicule. Sa mort a été constatée à l'hôpital cette nuit-là. Tamisha, elle, a subi une fracture d'une vertèbre du dos. Trois mois après l'accident, le jeune conducteur en avait assez des rumeurs négatives qui circulaient à propos de lui sur Facebook, alors il a proféré des menaces de mort contre deux amis de la victime.

Le père d'Angie Espeche, Marcelo Espeche, a été plus volubile, mais tout aussi émotif. «Depuis sa mort, ça me brûle à l'intérieur. J'essaie de retrouver une vie normale, mais je n'y arrive pas», a-t-il dit à la juge. «Ce criminel n'est pas traité comme un criminel, a-t-il ajouté. Il vit dans le confort de sa maison chez sa mère, cette même mère qui lui a donné les clés de sa voiture ce soir-là.»

Angie Espeche, même si elle avait des difficultés d'apprentissage, avait obtenu son diplôme d'études secondaires deux mois et demi avant l'accident. Elle s'était inscrite à un cours professionnel de cuisine qui devait commencer en janvier. Sa mère ne s'explique pas pourquoi elle est sortie de la maison en douce cette nuit-là pour aller rejoindre Tamisha et l'accusé. «Ma fille ne nous avait jamais parlé de lui à part pour nous dire qu'elle ne l'aimait pas comme un amoureux (...) Ses amies me l'ont confirmé après sa mort. Elle ne l'avait jamais aimé comme il l'aurait voulu. Elle voulait l'aider et elle en a payé le prix», a souligné la mère au magistrat.

À la fin de la journée d'audience, le jeune homme est allé retrouver sa propre mère, aussi présente dans la salle d'audience, et s'est effondré en larmes dans ses bras.