Séraphin Richer ciblait des adolescentes placées sous la protection de la jeunesse à Montréal pour en faire des prostituées. Le colosse de 45 ans les gâtait pendant quelques jours à peine, puis il leur répétait toujours la même phrase: «Faut que tu travailles pour ton homme.»

En 2008, Richer est toutefois tombé dans le piège de deux agentes d'infiltration qui ont joué le rôle d'adolescentes vulnérables pour se faire recruter. Hier, l'homme aux longs dreads et à la carrure imposante a admis sa culpabilité à des accusations de proxénétisme et de trafic de stupéfiants au palais de justice de Montréal. Il possède des antécédents judiciaires pour des crimes de même nature qui remontent à la fin des années 80.

 

Le module Exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales de la police de Montréal n'a pas lésiné sur les moyens d'enquête pour mettre ce proxénète derrière les barreaux. Richer recrutait des jeunes filles dans les bars et les afterhours de la grande région montréalaise. La police a donc envoyé deux agentes d'infiltration dans l'un de ces bars. Richer n'y a vu que du feu. Il les a recrutées et leur a même vendu des stupéfiants.

La police a également recueilli les témoignages de deux de ses victimes, âgées de 17 et de 18 ans. L'une d'elles était en fugue du centre jeunesse où elle avait été placée lorsqu'elle a rencontré Richer au centre-ville de Montréal. Il lui a vendu du crack, puis l'a invitée à son appartement du quartier Rosemont, selon la preuve révélée en cour. Il l'a nourrie et logée pendant quatre jours avant de lui dire: «Faut que tu travailles pour ton homme.»

Il l'a alors conduite au bar Frontière, à Rivière-Beaudette, près de la frontière ontarienne, où l'adolescente a été forcée d'offrir des services sexuels aux clients, toujours selon la preuve de la Couronne. L'adolescente devait remettre la totalité de ses revenus (80$ pour une fellation et de 120 à 160$ pour un «complet») à son proxénète.

Les victimes de Richer devaient lui demander de l'argent pour manger et se vêtir. Il ne leur payait rien de luxueux: un repas au McDo, des vêtements sexy pour travailler et une manucure de temps en temps.

Richer est allé cueillir sa seconde victime directement à sa sortie du centre jeunesse, à ses 18 ans. Selon la preuve recueillie, l'accusé usait de beaucoup de violence verbale envers les jeunes filles pour les dissuader de le dénoncer à la police.

Séraphin Richer devait avoir son enquête préliminaire, hier. Détenu depuis son arrestation en mars 2008, il a décidé de couper court au processus judiciaire en plaidant coupable. La Couronne, représentée par Me Anne Aubé, et la défense, représentée par Me Alexandre Garel, ont fait une suggestion commune de huit ans de pénitencier. Le juge Gilles Cadieux a suivi cette recommandation en imposant une peine de huit ans de prison pour les accusations de proxénétisme et une peine de quatre ans pour le trafic de stupéfiants. Toutefois, la peine pour le trafic est concurrente à celle pour le proxénétisme, si bien que l'accusé purgera huit ans de prison au total.