Pour être accepté dans l'organisation criminelle à laquelle il aspirait, Gilles Chagnon devait avouer tous ses vieux péchés au grand patron, même les gros péchés mortels. «Je lui ai mis trois balles dans la tête», a alors dit Gagnon, en expliquant comment il avait commis le meurtre d'une femme, 13 ans auparavant.

Le 13 décembre 2006, dans une chambre du Reine Elizabeth, Chagnon a raconté en long et en large comment il s'y était pris pour abattre Danielle Boucher, 37 ans, en février 1993. Chagnon ignorait qu'il se confessait non pas au grand patron de l'organisation, mais à l'agent double qui jouait ce rôle. Il a été arrêté dans les heures suivantes. Ses confidences lui ont valu une accusation de meurtre au premier degré, pour laquelle son procès se tient depuis quelques semaines. Mardi matin, dans le box des accusés, l'homme de 57 ans fixait le plancher et se prenait la tête à deux mains, en écoutant le fameux enregistrement de ses aveux, en présence du jury.Selon la preuve présentée jusqu'à maintenant, Chagnon a foncé avec enthousiasme dans le traquenard. Déguisés en criminels prospères, les policiers ont commencé par lui confier de petits boulots faciles pour éprouver sa loyauté. Sans le savoir, Chagnon a participé à 41 scénarios, entre septembre et décembre 2006, destinés à lui faire avouer un vieux meurtre (celui de Danielle Boucher), pour lequel il était suspecté. Le 13 décembre, la rencontre ultime avait donc lieu. Le grand patron voulait tout savoir sur cette nouvelle recrue, pour éviter que le passé de Gilles vienne «le mordre dans le cul», dans cinq ans. Le patron se disait en mesure d'effacer les traces des vieux crimes.

J'ai pas vidé mon chargeur...

Et Chagnon de tout raconter. Il a été payé 8000$ pour tuer Boucher. La victime a été soûlée, puis installée à la place du passager à l'avant de sa propre voiture. C'est la blonde de la victime, que Chagnon décrit comme une «butch», qui conduisait. Chagnon s'est assis sur la banquette arrière. En plein après-midi, ils ont roulé dans un secteur reculé d'Anjou. Ils se sont arrêtés, il a tiré avec un «petit 22 comme les films de cow-boys». Trois dans la tête, ou plutôt une dans le dos et deux la tête, il ne sait plus exactement. «J'ai pas vidé mon chargeur... j'avais des gants, après, j'l'ai tout cassée en morceaux (l'arme), j'l'ai mis dans le canal, tout partout, dans le champ à Longueuil...»

Il raconte aussi que le meurtre était planifié depuis un mois. Il avait tenté sa chance quelques semaines auparavant, mais avait renoncé, car il y avait des enfants. Chagnon explique qu'il a des principes...

Le procès présidé par le juge James Brunton se poursuit aujourd'hui. L'accusé est défendu par Me Marc Labelle et c'est Me Éliane Perreault qui est responsable de la poursuite.